Le Temps-Agences - La Grande-Bretagne a désapprouvé hier l'accueil en héros réservé par la Libye à son ressortissant condamné pour l'attentat de Lockerbie, mais a refusé de prendre position sur la décision écossaise de le libérer pour raisons de santé. Le ministre britannique des Affaires étrangères David Miliband a qualifié de "profondément affligeant" l'accueil fait jeudi par la Libye à Abdelbaset Ali Mohamed Al-Megrahi, le Libyen condamné pour l'attentat de Lockerbie, qui avait été libéré un peu plus tôt par l'Ecosse en raison de son cancer de la prostate en phase terminale. La Libye a défié l'appel du président américain Barack Obama à recevoir dans la discrétion Megrahi, qui n'aurait plus que trois mois à vivre. Des centaines de personnes, agitant des drapeaux libyens et écossais, l'ont triomphalement accueilli à l'aéroport de Tripoli. "Evidemment, voir quelqu'un qui a commis un meurtre de masse être accueilli en héros à Tripoli est profondément troublant, profondément affligeant", en particulier pour les familles des 270 personnes tuées dans l'explosion d'un avion de la Pan Am le 21 décembre 1988 au-dessus de Lockerbie (Ecosse), a déclaré M. Miliband à la radio BBC Four. Le ministre a prévenu la Libye que le traitement réservé à Megrahi, qui avait été condamné à la prison à vie avec une peine de sûreté de 27 ans mais a toujours plaidé son innocence, pourrait avoir de sérieuses conséquences sur ses relations avec la Grande-Bretagne. M. Miliband a, en revanche, refusé de dire si Londres approuvait ou désapprouvait la décision de libérer Megrahi, prise par le gouvernement régional écossais. Le système judiciaire écossais est distinct du système britannique, et Londres s'était gardé d'intervenir dans la procédure. "Il n'était pas question que nous interférions dans le dossier au préalable et nous n'allons pas interférer maintenant", a affirmé le ministre, qui n'a pas non plus réagi aux critiques de Washington. Le président Obama a estimé jeudi que l'Ecosse avait commis une "erreur" en remettant le Libyen en liberté. Les jours précédents, la Maison Blanche avait officiellement réclamé que Megrahi soit maintenu en détention. M. Miliband a certifié que la décision de libérer Megrahi avait été prise par le seul gouvernement écossais, et catégoriquement rejeté les suggestions selon lesquelles Londres aurait fait pression en ce sens pour défendre ses intérêts pétroliers en Libye. "Je récuse cela complètement: c'est une insulte envers le gouvernement et envers moi-même", a-t-il asséné. "Il est faux de dire que dans ce cas le gouvernement britannique a fait pression, d'une manière ou d'une autre, sur les autorités écossaises ou quiconque." Le Premier ministre écossais Alex Salmond a, pour sa part, défendu le choix de relâcher Megrahi, qualifié de "déni de justice" par la presse britannique et présenté par des analystes comme une tentative des indépendantistes au pouvoir en Ecosse d'affirmer leur autonomie à l'égard de Londres. "C'était la bonne chose à faire, pour les bonnes raisons", a déclaré M. Salmond à la BBC radio. "Nous n'avons pas pris en compte les questions de politique internationale, quelle que soit leur origine. Nous avons considéré ce qui était juste et approprié en fonction de notre système judiciaire." "Le message international de ces derniers jours est que le système judiciaire en Ecosse garantit un châtiment, mais que ce châtiment est tempéré par la clémence quand c'est approprié et juste", a-t-il ajouté.