La Tunisie n'a pas à prouver son appartenance à la religion musulmane. C'est même chez nous que se concrétise la sacralité de cette part harmonieuse faite entre le spirituel et le temporel. Il arrive néanmoins qu'un phénomène extra-religieux et à très grande dimension, infléchisse des décisions qui peuvent ne pas rencontrer l'assentiment de tout un chacun, à l'intérieur, comme à l'étranger. Le gouvernement tunisien – comme d'habitude – prend les devants. Décision est prise de suggérer à nos concitoyens de surseoir, cette année, aux rites du pèlerinage. Décision prise sans doute au forceps mais s'imposant face à un virus qui prend, chaque jour davantage le visage ricanant d'une pandémie mondiale. La décision tunisienne fait parler d'elle dans le monde arabo-musulman. On la commente. On recueille les avis. Et sans trop anticiper, il y aura peut-être bien des "prédicateurs" pour crier au sacrilège. Il y aura aussi des modérés pour conclure que, finalement, l'Etat tunisien fait en l'occurrence acte de courage. Du reste au train (saccadé) où va la fabrication du vaccin, et face à la progression fulgurante de la pandémie, la Tunisie fait valoir la raison et aussi la "raison d'Etat". C'est une situation d'émergence, une affaire de santé publique et, donc, de sécurité nationale. Surseoir à un rite (d'ailleurs assorti lui-même de conditions) n'altère en rien la dévotion aux cinq piliers de l'Islam. Et les piliers de l'Islam sous-tendent aussi les piliers de la sagesse. En tous les cas, notre pays a aussi ses exégètes, ses Imams et ses théologiens. Dans ce cas précis les interprétations religieuses et l'exégèse auront eu leur part fortement consultative. Cette décision s'appuie aussi sur des considérations religieuses. Car l'Islam est la religion de la concertation . Et il rejette les dogmes, entre autres ceux qui conduisent des millions d'âmes à aller au devant d'un péril latent.