Que les sportifs soient les véritables gladiateurs, hautement choyés, de ce demi millénaire, n'est pas nouveau. Les jeux de l'arène, dans leur bestialité, dans leur furieuse violence ont eu leur âge d'or surtout pendant le déclin de l'empire romain. Cette période qu'on appelle l'ère des Empereurs fous. Avant, chez les grecs, il y avait le théâtre avec ses finesses, ses tragi-comédies, ses drames et surtout - ce goût de la fête typiquement méditerranéenne qui a disparu aujourd'hui, aussi bien des côtes du Nord de notre petite mer chérie, sans parler de celles du sud qui sont enfoncées depuis des siècles dans un deuil à rebondissements. Oh, les Romains ont hérité - aussi - des Grecs, leur passion pour le théâtre. Mais alors que ces premiers avaient la délicatesse de ne jamais montrer des scènes de violence sur scène (encore moins celle d'un mort), les seconds vont exceller dans l'art de mélanger les jeux de l'arène à ceux de la scène. A tel point que les condamnés à mort de l'époque, étaient exécutés sur scène et que les dramaturges lauréats demandaient avant de se mettre à écrire, de combien de condamnés à mort ils disposaient pour leur spectacle pour fignoler les scènes de leur exécution. A part un embryon de cirque aux infrastructures et aux moyens très limités créé par le Big Boss éternel du Théâtre National Tunisien, notre pays n'a pas mêlé les spectacles sportifs à ceux de la scène. Notre choix était lobotimique. Nous avons entièrement opté pour le sport après les tâtonnements de l'administration face au théâtre naissant de trois premières décennies de l'après-Indépendance. La culture et les arts ne ramènent que soucis et désastres et presque jamais d'argent. Optons donc pour le sport. Non que cela coûte moins cher mais ça occupe les foules. C'est un véritable opium pour les masses et pour une majorité des seigneurs. Malraux disait que le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas. C'était une idée visionnaire mais il aurait rectifié : " le 21ème siècle sera sportif et religieux où il ne sera pas ". La preuve, chaque cité, pour ne pas dire, chaque bourgade, a aujourd'hui son ... ou ses stades de foot, de hand et autres activités similaires. Quant à la construction des théâtres, nous n'en avons que deux, l'un hérité des Romains et l'autre des Italiens (le Théâtre Municipal). Pas la peine de ressasser la même problématique concernant la désertion des Maisons de la Culture. C'est clair ! Le Tunisien a évolué. Il veut de vrais spectacles. Onéreux, clinquants, majestueux. Il aime sortir pour se divertir et s'amuser mais aussi pour se cultiver. Pourquoi, alors, puisqu'on va de plus en plus vers le privé, côté culture, ne pas mettre sur pied une stratégie claire qui encouragera les hommes d'affaires à investir dans la construction des salles de spectacles ? Chose qu'on semble oublier, l'art ramène aussi de l'argent. Peut-être pas autant que le sport ailleurs. Mais ailleurs en France, aux Etats-Unis ou en Inde, c'est l'un des secteurs les plus financièrement bénéfiques de la société. Pas de structures théâtrales adaptées à notre temps, pas d'évolution dans ce secteur. Pourquoi continuer à habiller ce majestueux 4ème Art de haillons, par ces temps où les signes extérieurs de richesse aveuglent les non-voyants ?