C'est quand même « amusant » de lire, dans le petit portrait de Mohamed Bergaoui (en 2e de couv.) qu'il est parti à la retraite en 2009. Retraite ? Plutôt un prétexte pour se bonifier, d'intégrer la dimension temporo-spatiale que son travail de journaliste, notre travail de journalistes - « ouvriers de l'éphémère » - ne tolérait pas. Notre talentueux confrère se lance alors dans la reconstruction de l'horloge ( détraquée) à remonter le temps. Du coup, c'est l'envie de se souvenir ; le besoin de se remémorer les strates d'une vie d'un vécu, les rencontres négligées que le journalisme, voyage sans boussole rend furtives avec la mémoire collective. Il puise ainsi dans sa formation originelle de documentaliste, un certain sens de l'orientation dans l'œuvre de reconstitution de cette mémoire justement devenue elle-même quelque part amnésique. Cet ouvrage « Médecine et Médecins de Tunisie, de Carthage à nos jours » est d'une grande intensité. La pertinence de l'information, la richesse qui s'en dégage, brossent le portrait des pionniers de la médecine en Tunisie depuis l'antiquité, en passant bien sûr par les temps héroïques. Portraits subtilement mis en perspective, écrits d'une langue fière et distante, mais qui rehumanisent la médecine et nous réconcilient même avec elle. Un livre-référence ; un témoignage capital comme dirait Malraux, et le tout mu par le besoin de montrer que notre pays, au delà de la symbolique d'Avicenne est un pays de médecine, de noblesse et qu'il n'est pas à exclure qu'Hippocrate ait séjourné chez nous en des temps immémoriaux. C'est le message de Mohamed Bergaoui.