Chaque dernier vendredi du mois, Zied Gharsa et sa troupe de la Rachidia se fixent rendez-vous au théâtre municipal de Tunis pour un concert qui fait le bonheur de nombreux mélomanes fans de malouf et autres musiques savantes. Le rendez-vous du vendredi 27 février dernier avait un goût tout particulier puisqu'il tombait pile poil avec la fête du Mouled. Ziad Gharsa a donc adapté son programme à cette circonstance religieuse en proposant différentes couleurs de malouf : « medhat », « bhour » etc.
Le public, des habitués à ce genre de concert, a pu apprécier l'interprétation harmonieuse de l'ensemble musical sous la houlette du maestro Zied Gharsa, qui sait innover tant au niveau des choix du répertoire que de la réorganisation du chant choral. Un coup de fouet salvateur d'autant plus que cette musique telle que présentée jusqu'à une certaine époque avait tendance à s'essouffler. La lenteur du rythme et l'interprétation souvent monotone et saccadée de la chorale ont fait fuir même certains inconditionnels.
Heureusement que Zied Gharsa, qui a appris le malouf à la bonne école, celle de son père Tahar, ne s'est pas contenté de reprendre les mêmes versions, il s'est appliqué notamment à redynamiser le tempo en osant l'improvisation mais surtout en alternant les solos et la chorale.
L'adaptation que propose Zied Gharsa consiste en une multiplication d'accélérations au niveau du rythme et de scansions allégées au niveau du chant. Les chanteurs solistes s'en donnaient à cœur joie, vendredi dernier, en gratifiant l'assistance de moments musicaux et vocaux assez exceptionnels.
Zied Gharsa a lui aussi marqué de son empreinte la soirée en interprétant entre autres en guise de prélude un « istikhbar » (taqsim) au luth pour introduire une nouba, celle dite d' « arramel ». Il s'agit d'une combinaison de sonorités « charqi » et « tounsi ». Ce qui a provoqué les acclamations de la salle tant la manœuvre était difficile à réaliser. Mais grâce au doigté et à la maestria du maître du luth, le résultat était remarquable.
Ensuite, il a enchaîné avec un « Mawel » puis interprété délicieusement « Ana el Mdallel ». Changement de registre pour la chanson suivante sur le mode « Issaoui » de la « Hadhra ».
Compositeur avéré, Zied Gharsa ne manque aucune occasion pour présenter une nouvelle chanson. Cette dernière est flamboyante par son tempo vif et grâce à l'utilisation de certaines percussions qui donnent de l'énergie à l'ensemble. Le public a témoigné de son adhésion et participé à la transe provoquée par cette chanson.
Toutefois, doit-on rappeler au mæstro, que tout en continuant à nous transporter, il a aussi à faire école, en formant des héritiers, capables d'illustrer son art et de l'affirmer. Solo ma non troppo.