* « Lettre d'amour de 0 à 10 ans », d'après le roman de Suzie Morgenstern, mise en scène de Christian Duchange, avec Anne Cuisenier, Bernard Daisey... Cette pièce de théâtre sous forme de conte contemporain sur la quête du père et de l'amitié a été présentée les jeudi, vendredi et samedi derniers à la salle Quatrième Art à l'initiative de l'Institut Français de Coopération (IFC). Le public, composé essentiellement d'enfants accompagnés de leurs parents a suivi religieusement ce spectacle émouvant, récompensé d'un Molière. La force de la représentation est son interprétation remarquable par deux comédiens qui incarnent les valeurs d'amitié et d'échange, etc. Sur une scène dépouillée de tout accessoire – hormis un petit chariot à roulettes surmonté d'un rideau – deux acteurs racontent l'histoire d'Ernest, un garçon de 10 ans qui a perdu ses parents et qui mène une vie banale et ennuyeuse avec sa grand-mère « grise comme un ciel d'hiver ». Sa rencontre avec Victoire, une camarade de classe en tous points différente, le pousse à s'interroger sur son rapport avec le monde à vouloir donner un sens à sa vie morne. La pièce repose sur l'interprétation de comédiens absolument formidables surtout qu'ils n'ont plus dix ans, l'âge des personnages. Ils narrent avec une simplicité désarmante l'histoire d'une amitié et de la vie de ce garçon qui vit hors de son temps, privé de tout moyen de communication moderne comme le téléphone et la télévision. À l'origine de la quête du père, une lettre écrite par son grand-père, mort au front pendant la deuxième guerre, qu'Ernest et sa grand-mère ne parviennent pas à décrypter. Grâce à Victoire et ses contacts, ils viendront à bout de l'énigme de la lettre secrète détenue par la grand-mère. Il s'agit d'une demande saugrenue que le grand-père adresse à son amoureuse qui consiste à lui envoyer des culottes chaudes et des chaussettes. Anne Cuisenier, qui interprète à la fois le rôle de la grand-mère d'Ernest, de Victoire et de la mère de Victoire, jongle efficacement avec ces différentes identités, de même que pour Bernard Daisey, grand gaillard dont la ressemblance avec Fernandel est assez saisissante, qui campe le personnage d'Ernest avec nuance et sensibilité. En portant sur leurs épaules la pièce, ils offrent une excellente performance d'acteurs. Engoncé dans un costume démodé, de grosses lunettes qui lui donne un air naïf et béat, Ernest ne peut se départir de son tic : une mèche de cheveu qu'il relève tout le temps et qui cache sa timidité. Les deux acteurs jouent également le rôle de narrateurs. Ils passent donc de narrateur à comédien tout en changeant de personnages. Ce qui n'est pas du tout évident vu la difficulté de passage d'un protagoniste à un autre tout en restant convaincant dans l'un et l'autre rôle. Ceci étant, le dénouement de l'histoire est à la fois touchant et surprenant. Ernest finit par retrouver la trace de son père grâce à la télévision. Un père devenu un grand écrivain de talent et qui vit entre le Canada et les Etats Unis mais qui n'a pas oublié son fils puisqu'il lui fait parvenir toutes les lettres qu'il lui écrivait quotidiennement de 0 à 10 ans.