Pour son troisième roman, la jeune romancière Faïza Guène a encore choisi la première personne sans qu'il n'y ait rien de vraiment autobiographique ici. Un Je accompagné d'une série de personnages, les gens du Balto, un PMU de région parisienne, au bout d'une ligne de RER. Chacun s'exprime à tour de rôle, le temps d'un chapitre. Et cette valse des énonciations revient régulièrement aux personnages principaux, laissant place épisodiquement à une figure nouvelle ou secondaire. Tel appareil permet non seulement le jeu de regards croisés sur un même incident ou telle conversation mais aussi le développement d'une certaine complexité dans les caractères, en peu de mots, par couches successives. Quant à l'histoire – car il y en a une -, elle commence dans l'amour et la haine, les illusions et les désillusions de la vie, les petits tracas du quotidien ; tout cela culmine dans un grand fait divers autour duquel les récits des personnages se muent en témoignages reçus lors des interpellations policières. Il y a une bonne technicité dans cette élaboration, et même de l'art. Avec ses deux premières publications, Faïza Guène a été élevée en véritable phénomène socio-littéraire, une jeune fille issue de l'immigration sachant écrire et en même temps transcrire les voix du "neuf trois", créant ainsi des objets littéraires capables d'attirer un public nouveau : les jeunes des banlieues. Si le premier roman (Kif kif demain) en restait plus ou moins là, dès le deuxième livre (Du rêve pour les oufs), un lecteur attentif pouvait soupçonner Guène de se cacher derrière cette construction du marketing éditorial, et de préparer tranquillement son programme : se maintenir en tête d'affiche, porte-parole d'une culture des banlieues soumise à toutes les récupérations