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Que reste-t-il de Camus ?
Publié dans Le Temps le 06 - 01 - 2010


* Interview de Mustapha Trabelsi *
On a célébré ce lundi 4 Janvier, le cinquantenaire de la mort d'Albert Camus, écrivain, philosophe, dramaturge et essayiste français qui se passe de présentation tant sa renommée fut et reste encore universelle. Pour commémorer sa disparition et s'interroger aussi sur ce qui reste de Camus l'homme, l'écrivain et le penseur, nous nous sommes adressés à l'un des spécialistes tunisiens de son œuvre : il s'agit de M.Mustapha Trabelsi, maître de conférences à l'Université de Sfax et membre de la Société des Etudes Camusiennes (S.E.C).
Il est l'auteur d'un important ouvrage sur « La polyphonie textuelle dans les nouvelles d'Albert Camus » (2005) et de nombreux articles sur la production littéraire, philosophique et dramatique de Camus, sur sa correspondance et sur ses positions d'intellectuel engagé. Nous en citerons plus particulièrement « L'écriture d'Albert Camus ou les frontières d'un style » (2010), « Camus, lecteur de la tragédie grecque (2006), « Camus et la Guerre d'Algérie » (2005), « Ecriture et pouvoir, l'exemple de l'aphorisme dans L'Homme révolté » (2003) et « Cliché et discours religieux : l'exemple de La Peste d'Albert Camus » (2002).

Le Temps : Comment es-tu venu dans la « Société » des Camusiens ? Les chercheurs tunisiens sont-ils nombreux dans cette Société ?
-Mustapha Trabelsi. : Je suis, comme beaucoup de Tunisiens, membre de la Société des Etudes Camusiennes. La SEC est une association qui a pour but de rassembler le maximum d'informations concernant l'oeuvre d'Albert Camus et de les diffuser dans un bulletin trimestriel. Elle organise aussi des colloques et des journées d'études. Basée en France, elle comporte aussi une section américaine et une section japonaise. A l'occasion du colloque de Tunis « Albert Camus, l'écriture des limites et des frontières », organisé en 2009, des chercheurs tunisiens ont lancé la section tunisienne.
L.T. Peux-tu nous parler rapidement de ce colloque ?
-Les membres de l'Unité de Recherche « Poétique Théorique et Pratique » que dirige le Professeur Mohamed Kamel Gaha m'ont confié l'organisation d'un colloque sur l'écriture camusienne. Plusieurs camusiens et stylisticiens ont été invités : Christiane Chaulet-Achour, André Abbou, Guy Basset, Philippe Jousset, Stéphane Chaudier, Jean Sarocchi, Mohamed Kamel Haouet, Jean-Pierre Castellani, Afifa Bererhi… Ce colloque s'est tenu grâce à l'appui de l'Institut Français de Coopération, de l'Ecole Normale Supérieure de Tunis et de l'Institut Supérieur des Etudes Appliquées en Humanités de Zaghouan. Les actes du colloque sont publiés ces jours-ci par Sud éditions et Presses universitaires de Bordeaux.
L.T. Entre romans, pièces de théâtre et essais, combien d'œuvres Camus a-t-il écrit ? En existe-t-il qui soient encore méconnues ?
Camus laisse une œuvre inachevée mais capitale. Il est à la fois romancier et nouvelliste (L'Etranger, La Peste, La Chute, L'exil et le Royaume et Le Premier Homme), dramaturge (Caligula, Le Malentendu, L'Etat de siège et Les Justes), philosophe (Le Mythe de Sisyphe et L'Homme révolté) et essayiste (L'Envers et l'Endroit, Noces et L'Eté). Il est présenté par la critique comme l'un des plus classiques écrivains de la modernité. En lui, l'homme de pensée est indissociable de l'homme d'action : ses articles de journaux, ses prises de position ont toujours témoigné d'une grande générosité et d'une fraternelle solidarité. Son texte posthume Le Premier Homme reste peu étudié.

L.T. Quels sont l'œuvre et le héros de Camus qui t'ont le plus retenu ou marqué? Pourquoi ?
Peut-être les textes qui ont retenu le plus l'attention des critiques ou des lecteurs sont L'Etranger et La Chute. Beaucoup plus qu'une œuvre de l'absurde, L'Etranger met en œuvre « un style de l'absence qui est presque une absence idéale de style ». Autre œuvre déroutante, La Chute. Le monologue intérieur est une forme d'écriture consciente et révélatrice d'un personnage qui a choisi l'ironie et la dérision comme formes de distance par rapport au monde et par rapport à soi. Si Meursault dans L'Etranger est un « anti-héros », se situant en marge de tout rituel romanesque, Clamence dans La Chute est provocateur : il invite son lecteur à un jeu pervers et subtil qui a pour toile de fond le quotidien.

L.T. En ta qualité de stylisticien et d'enseignant de littérature, peux-tu nous dire quel est le côté le plus attachant dans l'écriture et le style du romancier Camus.
Notre étude de l'œuvre de Camus nous a mis en présence d'une écriture polyphonique. Nous entendons par polyphonie ce tourniquet des instances qui voyagent entre l'énoncé et l'énonciation, entre le paratexte et le texte, entre le narrateur et les personnages, entre la fiction et l'autobiographie, entre la morale et la poésie…
L.T. Que représente l'Algérie pour Camus ?
« Je n'ai jamais écrit qui ne se rattache de près ou de loin, à la terre où je suis né. C'est à elle, et à son malheur, que vont toutes mes pensées.» L'Algérie, pour Camus, est à la fois réelle et rêvée, fraternelle et fuyante. En magnifiant le pays, son écriture expliquerait les enjeux ontologiques de cette création, matrice maternelle alimentant la fibre secrète de l'œuvre. L'œuvre camusienne porte en elle les stigmates de la terre et de l'histoire algériennes.
L.T. La philosophie de Camus n'a-t-elle pas fait son temps ?
Camus a trop longtemps souffert d'étiquettes qui ont faussé l'approche de son œuvre. Camus n'a jamais prétendu constituer un système philosophique, ni fixer une vérité unique et immuable : « je ne suis pas un philosophe. Je ne crois pas assez à la raison pour croire à un système. » Selon lui, on ne pense que par images. Camus revendique la contradiction au sein de sa pensée. Selon lui, elle est source de liberté. Sa « philosophie » continue à juger notre époque sans complaisance. Elle reste toujours cette généreuse tentative d'exorciser le pessimisme, le nihilisme, la démesure et l'inhumain.
L.T. Y a-t-il une face cachée importante de l'homme Camus, que tu aies découverte en menant tes recherches sur lui et qui te l'ait rendu encore plus intéressant à étudier et à connaître ?
La majorité des travaux s'appliquent à l'étude de la pensée de Camus. Tout se passe comme si l'on ne pouvait que constater, s'agissant du style de Camus, son évidente « sobriété », sa « transparence », « sa pureté », c'est-à-dire son « classicisme », sa « perfection ». L'écriture, la parole camusiennes vacillent entre deux infinis : le verbe total et le silence ineffable, le soupir. D'un côté, la concision qui frôle le silence, de l'autre, l'écriture prolixe, paroxystique, totale. Le lyrisme débride l'aphorisme, tire la morale du côté de la poésie. L'écriture lyrique renvoie à une posture d'énonciation qui se complaît dans l'obscurité et dans l'ambiguïté symbolique et métaphorique. L'écriture éthique et poétique, qui renvoie à des énonciateurs différents, est miné par l'énonciation ironique.
L.T. En deux mots, comment le définirais-tu aux jeunes d'aujourd'hui pour les encourager à le lire et à l'étudier ?
L'œuvre de Camus connaît un regain d'intérêt surtout auprès des jeunes. Son œuvre est essentiellement amour de vie, refus du désespoir et passion de l'humain.
Entretien conduit par : Badreddine BEN HENDA


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