L'histoire réelle de Manuel Laureano Rodriguez Sancho, dit Manolete, telle qu'elle est rapportée par les diverses sources d'Internet, n'aurait probablement pas suffi à faire l'objet d'un long-métrage. La voici. Célèbre matador espagnol né en 1917 à Cordoue, réputé être le fondateur de la corrida moderne, il est mort en 1947 à l'âge de 30 ans dans l'arène de Linares lors d'un combat acharné, violent et farouche au terme duquel le taureau a raison de son adversaire. La corrida étant pour les Espagnols ce qu'est le foot pour les Brésiliens, c'est-à-dire spectacle le plus populaire (certainement parce que le plus dangereux), il est évident, assez courant du moins, que le torero périsse lors d'un face-à-face mortel avec le taureau. C'est en tout cas ce qui est arrivé à Manolete dont l'immense popularité lui a valu, à sa mort, une statue à son effigie devant les arènes de Linares. Tout comme James Cameron qui a introduit une singulière histoire d'amour dans Titanic, Menno Meyjes a procédé de la même manière. Au plus beau de son éclatante carrière de torero, Manolete fait, fortuitement, la connaissance d'une ravissante jeune dame du nom de Lupe Sino dont tout le monde dit qu'elle est prostituée fréquentant les hauts milieux madrilènes. Prostituée ou pas, elle bouleverse de fond en comble la vie du jeune torero qui ne voit plus qu'elle partout où il va, et surtout dans les arènes, la belle Lupe étant devenue sa raison d'être, sa muse, son unique stimulatrice sans laquelle il ne peut gagner ses combats dans les arènes. L'idylle, bien que ressentie et vécue avec la même intensité des deux côtés, prend une telle ampleur pour Manolete qu'il est habité jusqu'au profond de ses tripes par l'obsession d'épouser Lupe. Et malgré tout l'amour que celle-ci voue à son ami, elle n'arrive pas à se faire à l'idée de se marier avec lui. Elle le lui dit : « Tu as pris la mort pour épouse ». Ce qui n'est pas dans son intérêt à elle, elle qui veut vivre et refuse la mort. Or, la vie de Manolete est dans les arènes. Mettre un terme à son activité c'est un peu le tuer quelque part. Dans son incapacité de rompre avec Lupe et, encore moins, de cesser de toréer, il continue à multiplier les succès dans les arènes grâce à la présence de Lupe dans les gradins, comme si elle était sa seule spectatrice venue admirer et applaudir son œuvre. De sorte que dès que Lupe quitte les gradins pour aller prendre un verre avec une tierce personne, Manolete perd son équilibre et risque à chaque fois de laisser sa peau sur l'arène. Jusqu'à cette corrida du mois d'août 1947 où, ne voyant pas dans les gradins sa muse, la star des arènes ne trouve pas mieux, de rage et de déprime, que de livrer au taureau une provocation extrême, allant jusqu'à le ridiculiser carrément sous les ovations du public. Ainsi excédée et tournée en dérision, la bête, à cran, finit par enfoncer ses cornes dans le bas-ventre de Manolete qui succombe à ses blessures le lendemain matin. Malgré les critiques peu clémentes dirigées, à l'étranger, contre « Manolete », il demeure un film à voir. Ne serait-ce que pour découvrir ce jeu sobre et talentueux d'un Adrien Brody peu connu du public tunisien.