Ahmed Bey 1er, qui succéda à son père, décédé, en 1837, soit quelques années après l'occupation de l'Algérie par la France, allait être celui qui allait raffermir les liens avec celle-ci et lui ouvrir une brèche l'amenant au fil des années, à s'ancrer pour finir par s'installer dans le pays. Il était émerveillé par la civilisation européenne, étant de mère italienne, et attiré par les réalisations entreprises en France. Il voulait également procéder à quelques réformes de sa régence, tendant à la modernisation et au développement du pays. Cela avait suscité le mécontentement de la sublime porte qui voyait dans l'attitude de ce régent un manquement à l'allégeance dont il était tenu à l'empire turc. Le sultan avait envoyé une expédition dirigée par Tahir Pacha qui débarqua à la Goulette, en vue de rappeler Ahmed Bey 1er à l'ordre, ou à défaut de s'y soumettre, de le détrôner. Le gouvernement français profita de cette occasion pour intervenir et faire échouer cette expédition en chargeant à cet effet les amiraux Lalande et Gallois et dissuader Tahir Pacha qui changea de cap en direction de Tripoli. Ahmed Bey 1er saura être reconnaissant à la France pour son attitude, durant tout son règne. Pour raffermir les liens davantage avec son ange gardien, il fit appel à des officiers français afin d'enseigner la tactique militaire à l'école du Bardo. Parmi les gestes attentionnés et témoignant d'une affection particulière à la France, l'autorisation donnée par ce même souverain à ériger une chapelle à la mémoire de Saint-Louis. Cette réalisation dans un pays musulman, n'avait pas pour autant suscité de réactions, ni de la part des autochtones et des ulémas, ni de la part de la sublime Porte qui se considérait comme ayant toujours un droit de regard sur la régence, encore province Ottomane. Bien au contraire, à la même époque, Ahmed Bey 1er, eut le titre de Mouchir ou maréchal par le sultan ottoman. C'est dire, également, l'esprit de tolérance religieuse, qui avait toujours régné en Tunisie. Plusieurs églises avaient été érigées bien avant Ahmed Bey 1er, et sous Mourad III, la messe fut célébrée même dans le palais de celui-ci. La chapelle Saint Louis qui surplombe encore la ville de Carthage Byrsa de nos jours fut édifiée aux frais du roi Louis-Philippe, à la mémoire, cependant de celui qui mourut de la peste après une écrasante défaite lors des croisades à l'époque des Hafsides. L'architecte intervenant à la réalisation de ce projet, M. Jourdain, avait réuni l'art français et l'architecture gothique. J.J.Marcel, historiographe français écrivait, à ce propos : « Dans le jardin qui entoure la chapelle ont été disposées ça et là quelques belles colonnes trouvées dans les fouilles nécessitées par la construction. On y remarque aussi un beau torse d'une statue en marbre, une élégante mosaïque qu'on a ingénieusement placée au fond d'un bassin d'eau limpide, dont le cristal fait vivement ressortir les couleurs diverses dont les dessins sont diaprés. Enfin, la même enceinte renferme des dépendances où un logement a été préparé pour l'abbé, aumônier de la chapelle ». Cet aumônier avait, d'ailleurs, écrit un ouvrage intitulé « Soirées de Carthage » et dont le produit doit être consacré à augmenter les ressources aidant à la construction d'autres monuments sous le même Bey. En effet, cet abbé a, dans le but de propager la civilisation européenne, obtenu l'autorisation de Ahmed Bey 1er afin d'ériger le collège européen, où étaient admis les enfants des chrétiens en Tunisie, à côté des enfants des autochtones, afin d'apprendre notamment la langue française. C'était donc le point de départ de l'institution et du développement de la francophonie en Tunisie, bien avant l'avènement de la colonisation. Mais c'était également, par l'institution de ces monuments que la France a pu constituer une infrastructure favorable à une occupation du pays qui eut lieu quelque quarante deux ans plus tard. L'intention y était de toute façon, depuis 1830, date de l'occupation de l'Algérie par cet Etat qui voulait à l'époque justifier sa grandeur par l'expansionnisme.