Il y a un phénomène qui me fascine et me dérange : c'est la capacité des Tunisiens à manger tout et n'importe quoi ! Chez nous, quand on parle de bouffe, ce sont surtout des onomatopées qui viennent à l'esprit : « T'makhmikh », « Hamhama », « Lablabi », « Hargma »… Des sons primitifs et des bruits de bouche qui sont accentués par le spectacle désolant de ces boutiques de bouffe, copiées sur le modèle du prêt-à-porter, du prêt à emporter. Déjà dans le langage populaire, ce type de Tunisien est désigné comme quelqu'un de glouton, un champion de la consommation sans discernement. Il bouffe sans se soucier de la qualité ou de l'équilibre alimentaire, d'où des effets secondaires inattendus : le diabète et l'obésité, chez toutes les catégories sociales, notamment les jeunes et les enfants… Aujourd'hui, on est obligé de manger « dans la rue », comme on dit chez nous, en une demi-heure à peine… Il est loin le temps où on prenait le temps de déguster un bon repas, patiemment préparé par la maîtresse de maison, mijoté avec amour par une maman douce, une épouse attentionnée. Le repas de midi s'est transformé en course contre la montre, entre sandwichs pris sur le pouce et repas pris dans un de ces fast-foods qui poussent comme des champignons plus ou moins vénéneux… A n'importe quelle heure du jour ou de la nuit, vous les voyez agglutinés autour de ces boutiques à bouffe et même, dans certains cas, de petites charrettes, où l'on avale n'importe quoi à des prix soi-disant abordables... La vraie facture on la paye souvent le lendemain chez le médecin, suite aux diarrhées aiguës qui accompagnent ces plats, pas très tunisiens. Il y a aussi ces simili-fast-foods où l'on mange des sandwichs microscopiques, à des prix astronomiques. Il y a les pizzas remplies de tomate aigre et où le thon ou les fruits de mer ne sont que mirages et illusions. Entre cinq et dix Dinars la pizza, il faudrait que le restaurateur y mette une boîte de thon entière pour que ce soit logique ! Les spécialistes en nutrition ne cessent pourtant de tirer la sonnette d'alarme pour freiner cette tendance à la restauration rapide, où le pain est brioché, donc sucré et où l'huile est grasse, le tout accompagné de boissons gazeuses, qui sont autant de calories vides qui augmentent l'obésité. Les parents semblent avoir démissionné de leur rôle d'éducateurs dans ce domaine, car c'est à eux d'apprendre à leurs enfants une alimentation équilibrée, des goûts différents, un sens critique vis-à-vis de l'hygiène et de la qualité. Il y a un million de diabétiques en Tunisie, dont des enfants de plus en plus jeunes. Il est temps de réagir et d'arrêter le massacre de nos traditions ancestrales en matière de consommation !