Les chiffres sont alarmants. Il n'est pas un seul Etat au monde où l'obésité ne soit pas en augmentation. La Tunisie n'est pas épargnée. La situation est d'autant plus inquiétante que cette pandémie est, aujourd'hui, reconnue par l'OMS, comme étant « un tueur insidieux et la cause principale de maladies, qu'il est possible de prévenir, comme le diabète, les affections cardiaques ou certains cancers ». L'affaire est donc bien plus importante que quelques kilos qui nous sembleraient disgracieux et qui nous empêcheraient de nous vêtir comme on le souhaite. C'est une question de vie ou de mort : « L'épidémie se propage à toute allure, et le plus effrayant c'est que, jusqu'à présent, personne n'a réussi à la stopper ». C'est ce que, déclare du moins, le docteur Stephan Roessner, président de l'Association internationale pour l'étude de l'obésité. Si le monde est aujourd'hui gras, le premier responsable est sans aucun doute un système économique porté sur la consommation frénétique et qui s'est aliéné les pouvoirs de communication et de marketing, pour attirer le client vers ses produits aux emballages attirants, mais qui causent, le plus souvent, de vrais problèmes sanitaires (aliments trop gras, trop salés, etc). Sur le banc des accusés, se trouve en deuxième lieu les mauvaises habitudes alimentaires. Les Tunisiens, en particulier, même s'ils sont loin d'être les seuls, n'ont pas reçu d'éducation dans ce sens. La Tunisie souffre-t-elle vraiment de surcharge pondérale ? La situation est-elle à l'heure de l'inquiétude ? Le professeur Danguir (chef de service à l'Institut national de nutrition), éclaire notre lanterne. « L'obésité est en augmentation en Tunisie. La plupart souffrent de surcharge pondérale. Chez la femme adulte tunisienne ayant entre 19 et 59 ans, on note un vrai problème de surcharge pondérale. 71% d'entre elles ont un problème de surpoids, dont 48% d'obèses. Une femme sur deux est atteinte de cette surcharge pondérale et c'est une vraie catastrophe. 50% des hommes sont également touchés, avec 25% d'obèses. Les chiffres galopent, en 98, on avait seulement 50%, des femmes atteintes de surcharge pondérale, on en est à 70%. La moitié de ces gens là deviennent diabétiques. On voit, aujourd'hui, des diabétiques atteints du diabète de type 2 (diabète gras), qui n'ont que vingt-cinq ans. Leur diabète est la conséquence directe de l'obésité. On voit, aujourd'hui, des gens qui ont 160 et 180 kilos, ce qui n'existait pas avant ».
A la base, la génétique La base c'est la génétique. Certaines personnes sont programmées pour être en surcharge pondérale, ou obèses, d'autres pas. D'ailleurs, vous l'avez peut-être constaté : votre voisine ou votre amie mange bien plus que vous mais ne grossit pas. Elle brûle plus rapidement et mieux ce qu'elle prend comme nourriture. Cependant, le professeur Danguir nous le confirme l'hérédité n'est pas une fatalité : « Si on vit dans un environnement adéquat, sain, on peut éviter, contrôler sa prise de poids ». Tout passe par l'éducation : apprendre à bien manger est essentiel pour éviter les problèmes d'obésité. Si les générations précédentes n'ont pas été éduquées dans ce sens, celles qui leur ont succédé n'ont fait qu'aggraver la situation.
Que mange-t-on dans les crèches et les jardins d'enfants ? Tous les pédiatres, consciencieux du moins, vous le diront : il faut éviter à votre enfant de manger à la cantine. Si vos horaires ne vous permettent pas de le ramener à midi à la maison, optez pour la version panier. Vous savez au moins ce que vos enfants mangent. « Dans les jardins d'enfants, il y a un véritable problème de rythme alimentaire. Les enfants mangent à midi, prennent deux heures après un goûter, même s'ils ont l'estomac plein. Les goûters sont chocolatés, gras, etc. Puis, manger entre les repas n'arrange pas les choses ; surtout quand on n'a pas faim. Or, les goûters sont hautement énergétiques. Les enfants grossissent et apprennent à manger entre les repas, ce qui est une bien mauvaise habitude », affirme encore le professeur Danguir. Certains jardins d'enfants veulent faire l'effort de servir des repas « équilibrés » à l'enfant, contenant de la viande et des légumes (et c'est rare), mais ces plats là ne conviennent pas aux goûts de ce dernier, car il n'est pas habitué à ces goûts. Il préfère son biscuit au chocolat. « En plus, il n'a pas faim. Il vient de manger son goûter de 10 heures,qui est super gras », souligne le professeur Danguir.
Et lorsqu'on mange sans plaisir ? Que ce soit à la maison ou au jardin d'enfants, forcer un enfant à manger fait grossir : « les aliments qu'on mange forcé, sans plaisir, partent en graisse ». Mais c'est le côté face. Il y a aussi le côté pile. En effet, les enfants sautent souvent le petit-déjeuner, pourtant, c'est un repas important de la journée qui permet de tenir jusqu'à midi et qui évite les élans de grignotage. Mais même les adultes font pareil. La plupart se contentent d'un café avalé sur le pouce et se rattrapent, une fois dehors, sur les viennoiseries, ou casse-croûtes, keftagi, etc... Ils avalent, de ce fait, beaucoup de gras et se font du mal : « Plus une nourriture est grasse et plus les gens mangent. Pendant le mois de Ramadan, 70% des mets qui sont sur la table, sont gras. S'il n'y avait pas cela, les gens ne mangeraient pas. Le gras donne envie de manger. D'ailleurs, demandez leur, quand ils arrivent au moment de la rupture du jeûne, ils n'ont pas faim. Ils ont puisé durant la journée dans leurs réserves et pour stimuler l'appétit ils mangent gras », insiste encore le professeur Danguir. Sauter un repas fait grossir, c'est prouvé. Si vous avez déjà essayé, vous le savez certainement. Parfois, sous la contrainte du travail, on saute le repas de midi. On se rattrape sur celui qui suit et à ce moment-là, « le cerveau transforme ce que vous mangez en gras. Il a peur que vous lui refassiez le coup une autre fois, alors il prépare ses réserves de graisses. Le cerveau ne défend que sa graisse ».
30 ans, le tournant... ? L'idée est fausse. Pourtant, vous l'avez certainement déjà entendue sur plus d'une bouche. Le professeur Danguir nous explique le phénomène : « L'âge n'a rien à voir là-dedans. Mais à trente ans on sort beaucoup, on voit des amis, du monde et on est tout le temps en contact avec la nourriture et les boissons, ce qui rend le processus d'amaigrissement difficile ».
Et que fait-on de la malbouffe ? Généralement, le travail passe avant le repas. Rares sont ceux qui, régulièrement, prennent avec eux leur tuperware super équilibré, équipé en salades et blanc de poulet ou filet de poisson en papillote. Nombreux sont donc, ceux et celles qui mangent sur le pouce : sandwich, hamburger, pizza, sont tous les jours au menu, les kilos et la malnutrition, également. « Ces aliments sont très gras et riches en sel. Les gens aiment manger salé. 99% des femmes qu'on voit, ont un problème de rétention d'eau, qui est dû à une ingurgitation de grandes quantités de sel. Or, nous n'avons besoin que cinq grammes de sel, soit une cuillère à café répartie sur la journée. La prise de poids est souvent mixte, il y a de la graisse mais il y a aussi de l'eau. Consommer beaucoup de sel, entraîne les problèmes de rétention d'eau ».
Les méfaits de l'eau fraîche L'eau fraîche aggrave les problèmes de rétention d'eau. « Quand on boit de l'eau fraîche tout reste dans les jambes. C'est pour cela que les gens enflent en été. Il ne faut jamais boire de l'eau fraîche, qui en plus ne désaltère pas comme l'eau qui n'est pas passée au réfrigérateur.
Infertilité C'est, aujourd'hui, prouvé, les femmes obèses ont « moins de chance d'être enceintes et plus d'être exposées à des problèmes de santé. Il nous apparaît plus sensé de traiter d'abord l'obésité avant de chercher un traitement à l'infertilité », déclare Richard Kennedy, l'un des dirigeants de la BFS, lors d'une interview accordée à la BBC.
Calculer son propre IMC ! On peut calculer seul son IMC (Indice de masse corporelle). « Même s'il n'est pas parfait, il tient compte de la morphologie de l'individu. L'IMC est égal à la masse en kilogramme divisée par le carré de la taille exprimée en mètre. Un IMC entre 18,5 et 25 est considéré comme normal chez un adulte. Un résultat entre 25 et 30 correspond à une surcharge pondérale. Au-delà de 30, il s'agit d'obésité. De 35 à 40, d'obésité sévère. Au-dessus d'obésité dite morbide ». Emna-Louzyr AYARI