Yasmine Hammamet a abrité récemment un séminaire scientifique de formation sur « l'assistance des entreprises en difficulté : le rôle de l'administration et du juge ». Organisée par l'Association tunisienne des inspecteurs du travail, cette manifestation destinée aux responsables des ressources humaines des entreprises a traité des problématiques relatives à l'assistance des entreprises en difficulté et la réinsertion des employés pour causes économiques. La sauvegarde de l'entreprise, son développement et sa pérennité constitue la principale cellule de production et de création d'emploi. Notre objectif souligne Mohamed Ameur Bnouni, président de l'Association Tunisienne des inspecteurs du travail, est de sensibiliser les inspecteurs du travail et les spécialistes dans les domaines du travail, de la justice, de la comptabilité et de l'emploi sur la nécessité d'aider l'entreprise à faire face à ses difficultés afin de la sauvegarder et assurer sa pérennité et la stabilité des emplois qu'elle assure. C'est pourquoi nous avons organisé deux ateliers de travail sur les problèmes judiciaires, l'assistance et l'encadrement des travailleurs licenciés. Le suivi et l'appui aux entreprises en difficulté sont essentiels dans la consolidation de leur compétitivité dans la conjoncture mondiale actuelle. Le rôle de l'inspecteur du travail est primordial dans ce processus en matière d'encadrement des travailleurs et la détection précoce des difficultés de l'entreprise. Nous voulons ainsi assurer un meilleur rendement à l'entreprise et garantir l'emploi avec le concours de tous les intervenants du tissu économique. »
Equilibre Certaines entreprises connaissent des difficultés liées à la mondialisation et à la concurrence de plus en plus poussée. C'est tout à fait normal explique Nouri Mzid doyen de la faculté de droit de Sfax que « certaines entreprises n'arrivent pas à suivre le rythme. Elles subissent des difficultés plus ou moins graves avec des conséquences qui touchent l'entreprise et les salariés. Le législateur tunisien a déjà mis en place un dispositif juridique très développé pour l'assainissement des entreprises en difficulté. C'est la loi de 1995 qui a fait l'objet de deux réformes en 1999 et en 2003. Ce dispositif juridique est un dispositif moderne qui se repose sur la recherche de l'équilibre parfois difficile mais souhaitable entre les exigences économiques et techniques de l'entreprise et les exigences sociales. C'est pourquoi cette loi fixe trois objectifs essentiels d'abord permettre à l'entreprise de survivre, se redresser ensuite la protection de l'emploi et des droits des salariés et aussi des droits des créanciers. Ce dispositif juridique cherche à réaliser un équilibre entre ces trois composantes. Ce colloque a comme problématique justement d'analyser ce dispositif pour essayer de montrer dans quelle mesure le législateur peut atteindre ces objectifs. Nous avons traité du rôle du juge dans le cadre de la procédure collective c'est-à-dire les procédures de redressement des entreprises en difficultés économiques. Le juge doit d'abord contrôler la situation de l'entreprise. Il doit s'assurer des difficultés réelles et sérieuses. Plusieurs étapes devront être suivies dans ce processus qui peut se terminer par une décision de refus de la demande de la part de l'entreprise lorsqu'on constate que la situation de l'entreprise est devenue irrécupérable. Il n' y a plus d'espoir de redressement ou bien une décision d'acceptation de la demande et dans ce cas un plan de redressement va pouvoir être mis en place. Ce plan de redressement peut contenir plusieurs solutions selon la situation de l'entreprise ou bien de la continuation de l'entreprise avec le même employeur ou bien la cession de l'entreprise et sa location à un tiers. Tout programme doit réaliser l'équilibre souhaité entre les objectifs fixés par la loi. Le cas extrême, si la situation n'est plus récupérable, on passe à la procédure de faillite. C'est en quelque sorte la mort de l'entreprise. C'est pourquoi ce colloque a essayé d'informer et de sensibiliser un grand nombre d'entreprises. Notre objectif est de permettre aux entreprises de maîtriser le dispositif juridique et de le comprendre car il est destiné avant tout à protéger l'entreprise. La démarche ancienne avant l'adoption de cette loi se reposant sur la faillite est perçue comme une sanction de l'entreprise. Le législateur a préféré laisser en dernier lieu cette étape de faillite et donc la remplacer par cette procédure de redressement. Une entreprise même si elle est parfois atteinte d'une maladie financière ou économique ou autre peut être toujours sauvée pour un acquis à la fois pour l'entreprise, les salariés et la collectivité. A côté du rôle du juge, le rôle de l'administration est primordiale notamment l'inspection du travail, la caisse nationale de sécurité sociale. L'inspection du travail a un rôle préventif avant même le déclenchement du processus de redressement parce que l'inspection du travail est l'organe le plus proche de l'entreprise, celui qui connaît la situation de l'entreprise, les difficultés et donc l'inspecteur peut d'abord conseiller le chef d'entreprise pour échapper à une telle situation. L'inspection du travail évolue considérablement. Ce n'est plus l'inspecteur gendarme qui contrôle ou qui dresse le PV à l'encontre de l'employeur. Cette fonction de contrôle et de l'application de la législation sociale demeure mais l'inspection de travail a un rôle d'assistance, de conseil et de conciliation. Elle est utile pour la pérennité et la sauvegarde de l'entreprise en collaboration avec les autres structures telles que la caisse nationale de sécurité sociale. Cette dernière est concernée d'abord en tant que créancier car l'entreprise en difficulté commence à ne pas payer les cotisations, le fisc. La CNSS a cette qualité de créancier vis-à-vis de l'entreprise en difficulté mais elle peut intervenir pour proposer des solutions d'accompagnement surtout sur le plan social tels que la mise à la retraite anticipée pour certains salariés, l'octroi des aides à certains salariés. Ainsi ce système d'appui aux entreprises en difficulté vise à la préserver, renforcer sa compétitivité et conserver surtout l'emploi » conclut Nouri Mzid, coordonnateur de ce colloque.