C'est souvent autour de l'eau que les discussions les plus chaudes ont lieu. Entre l'Irak et la Turquie, c'est au sujet de l'Euphrate que la mésentente risque d'avoir les plus lourdes conséquences. Pour le Jourdan, on sait depuis toujours que l'enjeu de la captation de son eau est vital pour les uns et pour les autres. Pour le Nil, la bataille diplomatique a repris de plus belle. Ce n'est pas la guerre, mais il ne faudra pas s'attendre à des cadeaux, en dépit des déclarations d'intention, toutes aussi conciliatrices les unes que les autres. L'accord conclu il y a longtemps ne satisfait plus plusieurs riverains, en particulier l'Ethiopie, le Kenya, le Rwanda et l'Ouganda. Ces derniers ont donc rédigé un nouvel accord, en l'absence délibérée du Soudan et de l'Egypte. L'Egypte ne veut surtout pas modifier les termes de l'accord ancien lui octroyant la grande part de cette eau. Il faut dire qu'à 90%, les besoins de ce pays sont couverts par le Nil. L'enjeu est de taille, et ne peut donc souffrir d'ambiguïté. On se fâche à moins, même quand les membres de la nouvelle Alliance prennent les précautions oratoires les plus recherchées pour rappeler ce qu'ils considèrent comme un droit. Le Nil n'a jamais été vraiment un fleuve tranquille. Et ce n'est pas seulement à cause des crocodiles, encore moins à cause des larmes de crocodile que les anciens colons, surtout anglais, déversent sur le sort de ces africains incapables de gérer rationnellement leurs ressources. C'est seulement l'exemple même du gâchis des ressources africaines à cause des méandres de la politique à la petite semaine. On aura remarqué que dans cette histoire, personne ne parle d'Organisation de l'Unité Africaine. Tout le monde fait comme si ce bidule n'existait pas. La règle voudrait que le concert des Nations africaines ne soit pas compétent pour régler les grandes affaires africaines. Tant qu'à faire, personne ne s'en plaint vraiment. Le Nil traverse pratiquement tout le Continent. Il contribue à la survie de ses riverains, quand les mêmes ne s'entretuent pas pour de vagues histoires de pouvoir clanique ou tribal. De l'Ethiopie au Rwanda à l'Ouganda au Soudan, les motifs de sanglants génocides ne semblent pas manquer, parfois au grand bonheur des crocodiles à l'affût des lendemains de batailles. Or, comme partout ailleurs, les batailles pour le partage des eaux laissent beaucoup de cadavres derrière. Le bellicisme est encore plus à craindre quand se profilent en arrière plan les reliquats des guerres de religion antérieures. Pour le Nil, c'est trois en un : l'eau, les aléas de l'histoire et les impérities des organisations régionales. Les larmes des crocodiles n'y suffiront pas pour grossir les eaux du fleuve éternel.