El Hamra prépare une nouvelle création et un grand évènement: les troisièmes plateformes des arts méditerranéens. Une nouvelle création en chantier et pour arriver au théâtre El Hamra, situé dans la rue commerçante d'Al Jazira, plus peuplée que jamais depuis la révolution, il n'y a pas le choix. Il faut enjamber ces étalages de marchandises uniformes qui inondent les trottoirs et la chaussée, risquer de trébucher sur un verre à pied ou sur une assiette et marcher coude-à-coude avec ces gens en quête de produits bon marché. Mais une fois au Théâtre, on oublie tout ce désordre et l'on rompt avec cette nouvelle réalité qui dépasse la fiction. Car, derrière les portes closes de la salle, les comédiens de la troupe El Hamra répètent leur nouvelle création. On les entend peser les mots, leur donner de la charge et de l'émotion. Ezzeddine Gannoun, le directeur et le metteur en scène, arrive enfin au rendez-vous et se prête à nos questions pour un bilan de la saison culturelle écoulée et pour son programme de la nouvelle année. L'artiste avoue que malgré le contexte assez trouble du pays, l'espace El Hamra a résisté, dans tous les sens du mot, en prêtant son espace aux associations, aux différents réseaux sociaux et culturels et aux activités citoyennes. Il a réussi à boucler le deuxième degré de formation de la cinquième promotion des ressortissants du Caarft (Centre arabo-africain de formation et de recherche théâtrales) et il a accueilli plusieurs artistes de différents domaines, leur offrant scène et tribune. En cette nouvelle saison qui commence, El Hamra continue sur la même lancée, en espérant, nous dit Gannoun, atteindre vite sa vitesse de croisière. «La culture, comme tous les autres domaines de la vie, a besoin de stabilité politique et sécuritaire», ajoute-t-il. Le programme de l'espace s'élabore au jour le jour, au gré des évènements, dans un environnement en perpétuel changement. Mais il y a une chose qui n'a pas changé : la manière dont l'autorité de tutelle s'implique ou pas dans la vie culturelle. Le Caarft n'a reçu, depuis sa création il y a tout juste 11ans, aucune aide de l'Etat. Jusqu'à quand va-t-il encore survivre au manque de moyens ? A bon entendeur, se dit son concepteur, qui n'arrive pas à comprendre comment le rayonnement du Centre en Afrique, dans le monde arabe et même en Occident, peut encore laisser les décideurs aussi indifférents. Bon gré, mal gré, El Hamra continue à honorer ses engagements. Le prochain cycle de formation aura lieu au mois de janvier 2013 et l'espace reprendra incessamment son forum appelé «sans parti pour une patrie», ces rencontres-débats politiques dont le coup d'envoi a été donné après la révolution du 14 janvier 2011. Ainsi, le programme de la nouvelle saison a été élaboré selon quatre axes importants : la formation, le retour du cinéclub appelé «Ciné fils» avec la collaboration de l'Isamm (Institut supérieur des arts multimédias), la nouvelle création théâtrale et l'accueil des plates-formes des arts en Méditerranée. Il s'agit notamment de la troisième édition d'une manifestation qui regroupe tous les arts vivants et dont la première session a eu lieu à Damas et la deuxième au Théâtre Jean Vilar à Vitry. El Hamra s'occupe depuis plusieurs mois du montage financier et de la programmation. L'ouverture prévue pour le 7 décembre 2012 aura-t-elle lieu? Car le nouveau théâtre d'accueil des plates-formes est dans l'attente d'une réponse favorable de la part du ministère de la Culture pour compléter le budget d'organisation. Quant à la nouvelle création, Ezzedinne Gannoun nous informe qu'elle évolue au rythme des évènements réels et des pulsations que vivent le pays et la société tunisienne au quotidien. «Nous vivons une expérience très originale, excitante sur le plan intellectuel et artistique», explique-t-il, avant d'ajouter : «Nous sommes en perpétuelle découverte, analyse et constat de ce qui se passe. Nous créons notre spectacle dans le feu de l'action». Mais le metteur en scène ne donne pas encore de nom à sa nouvelle pièce, dont l'auteur n'est autre que Leïla Toubel. Tout ce qu'il peut nous confier, c'est qu'il s'agit d'un regard sur la société tunisienne post-révolutionnaire et sur les éternels opportunistes qu'il appelle les caméléons de la politique. La première est programmée à l'ouverture des plates-formes des arts de la Méditerranée, qui, rappelons-le, se tiendront du 7 au 14 décembre 2012.