La compagnie de la petite scène nous a présenté, dimanche dernier, l'histoire d'un couple que tout oppose mais que le destin réunit. Il en ressort une pièce fraîche et rythmée. Zankat Annakni, écrite et mise en scène par Faouzia Thabet se passe dans une ruelle étroite qui ne permet le passage que d'une seule personne. Supposons qu'un homme et une femme s'y croisent, que peuvent-ils faire d'autre que de s'étreindre ? De cette étreinte est née l'idée de la pièce... Un regard sur la femme, loin des caricatures habituelles. L'écriture est fine, drôle, profonde même. Le décor est soigné, sans surcharge. Dans le même élan, la mise en scène est juste, sans fioriture, laissant au spectateur la liberté d'entrer facilement dans le quotidien de la femme dans une impasse en quête de remèdes existentiels. C'est l'histoire d'une femme et d'un homme qui, tentent de trouver réponse à leur désarroi ou à leur insatisfaction. C'est une pièce à deux personnages, constat d'une vie de couple. Au dehors, au-dedans, des querelles absurdes. Des jeux de mots décalés et des disputes illogiques révèlent les fissures du quotidien et l'acharnement des personnages à s'accrocher à une réalité qui les fuit dans un monde qui se délabre. Aussitôt que pointe la tragédie, le rire prend le pas. Au milieu de cette querelle de couple. Faouzia Thabet, en artisan de la vie, montre dans cette pièce courte un condensé de son art, mettant en scène les thèmes qui lui sont chers : l'absurdité des conflits et le rire, qui, en toutes circonstances, peut sauver l'homme en tournant en dérision sa façon de prendre la vie au tragique. Faouzia veut « brûler ». Elle en a marre de son entourage, de son vécu, de la cuisine, de la cherté de vie… Elle étouffe là où elle réside. Elle a chaud dans son impasse «Annakni». Elle veut se libérer. Sa vie de célibataire ne l'aide pas à vivre heureuse. Beaucoup de ont dit que, de pollution, de saletés, de moustiques. Rien ne lui plaît. Jamel Madani accompagne Faouzia dans ce voyage monotone. Lui aussi il veut changer sa vie loin de la pauvreté, de l'hypocrisie des gens, de la chaleur de l'été et du froid de l'hiver A chaque scène, le couple se fait et se défait, l'espace d'un soir, l'espace d'une vie : ils passent à l'acte, viennent de le faire ou s'apprêtent à le faire. Dans ce parcours qui dure des années, ils s'aiment puis se détestent, se réunissent, se séparent, se rapprochent, puis se quittent… Une vraie vitrine de notre société où chacun peut se reconnaître. L'affrontement des deux personnages, engendre dérapages et situations cocasses. C'est la routine, un conflit entre deux êtres très différents qui se cherchent et qui réfléchissent sur leur sort. Une pièce qui dit mieux que beaucoup d'autres ce que c'est que l'histoire d'un couple au long cours, où l'on renonce, où l'on se déteste, où l'on ne se dit plus que l'on s'aime car on n'en est plus très sûr. Pour mettre en évidence l'unité des personnages, une porte d'entrée constitue l'ensemble du décor et change d'orientation au gré des émotions. Les costumes, le décor, comme la lumière, tournent autour d'une couleur principale, le noir. Le texte paraît intellectuel, cérébral, et dans un univers où tout n'est qu'émotion. On prend un plaisir immense à découvrir l'univers des femmes, leurs qualités et leurs défauts. L'auteur est sans concession. En tant que femme, on se reconnaît parfois dans les travers de celle-ci ! C'est le profil présenté par Faouzia Thabet dans « Zankat Annakni » Que l'on soit partisan ou non de la parité, sensible ou non à la cause féministe, cette performance ébranle, émeut, interroge le sens de la lutte et de l'existence, le choix d'une femme de ne pas (se) laisser faire et de poursuivre sa libération sans concession face aux mécanismes figés, répétitifs de la société.