Lorsqu'il l'écrivit en 1926, le jeune Brecht intitula sa pièce La noce. Il l'appela ensuite La noce chez les petits bourgeois. Ghanem Zrelli, le metteur en scène a essayé d'actualiser cette pièce produite par la société Adonis Production et présentée lors du festival de la Médina de Nabeul au complexe culturel Néapolis. Il l'a intitulée « Leh'na » une comédie complètement originale et un chassé-croisé amoureux entre rire et émotion. L'histoire du mariage est un peu, beaucoup, passionnément, l'histoire de nos sociétés. A travers les mille et un rites de cette institution, des Anciens à aujourd'hui, le metteur en scène et dramaturge Zrelli nous entraîne dans un tourbillon sans fin où se mêlent querelles et arguments trébuchants. Convoler n'est certes pas sans risques. C'est ce qui explique la désaffection de nos jeunes du mariage. La pièce « Leh'na » parle de cela. Un couple chez lui en état d'ivresse fut surpris par deux invités inattendus, deux musiciens mais, passées les premières répliques, les deux comédiens ( Fayez et Malek) sont lancés, la pièce trouve son rythme, un rythme effréné, comme dans toute bonne comédie. Les répliques et bons mots s'enchaînent alors avec aisance et nous font rire franchement. Farce affolée, brutale, cinglée, que dominent deux personnages. Une noce c'est une fête à partager, oui mais… tout au long de la pièce tout se dégrade, même les éléments matériels. L'alcool aidant, les jalousies et la méchanceté des uns et des autres prennent le dessus. La comédienne Marièm Gaboudi prend immédiatement possession de l'espace, nous fait partager son attente, ses doutes, ses craintes, mais par-dessus tout, son bonheur de vivre. Et la salle souhaiterait bien être invitée à la noce. Le conflit s'installe. Le mari (Néji Ganouati) dans l'impasse est incapable de faire entrer ses meubles. Malheureux, il se lance dans de grandes tirades, roule des yeux, ouvre grand la bouche en lâchant des sons suraigus ou très graves. Le couple s'affrontait. Tous les prétextes étaient bons pour envenimer l'ambiance. Sans lit, le duo fonctionne bien, les improvisations avec le public sont sympas, et malgré quelques exagérations dans certaines situations, on ne cesse de rire du début à la fin des répliques bien senties. En tout cas, on se laisse prendre au jeu, car les répliques sont efficaces. En outre, les deux comédiens, les deux musiciens Ghanem Zrelli et Yassine Hassine, tiennent impeccablement leur rôle. Grâce à eux, le spectateur oscille entre rire et inquiétude, la tension est palpable. La critique sociale est toujours très présente, et le spectateur est clairement visé. C'est effectivement un miroir de notre société. Beaucoup de vérités dérangeantes, du rire et de la magie : de quoi séduire bien des spectateurs. Qu'importe ! On passe assurément un bon moment. La taille de la salle permet beaucoup d'interaction avec le public qui est aussi créateur, il ne subit pas, il n'est pas passif. Au sein même de l'espace, il devient partie déterminante de la scénographie que le comédien tente de maîtriser. La création de l'artiste devient alors une re-création par l'interaction du public attentionné et attentif. Le public est alors consommateur mais aussi créateur au même titre que l'artiste ou le comédien. Les lumières, la musique, le chant essaient de décrisper la pièce et enrichir le spectacle. Bref « Leh'na » est un spectacle qui donne à voir et à entendre, à rire et à s'émouvoir : Un spectacle innovant et original bien concocté par Adonis, à découvrir absolument.