«Crise de logement» au cimetière du Djellaz. Celui de Sidi Yahia affiche complet depuis quelque temps déjà. Les mauvaises langues prétendent qu'il n'y aura plus de place pour nos dépouilles dans leur ruée vers la destination finale. Doit-on préparer sa mort désormais avant même que nos corps ne se reposent à jamais ? La réponse on l'a collectée dans les allées mortuaires du Djellaz. Cela en vaut le détour. Face à la mort nous sommes tous égaux. Et a priori, on ne meurt pas de la même manière quand on est un habitant d'une grande ville ou que l'on soit dans une contrée reculée du pays, même si le rituel mortuaire reste le même et que la religion musulmane resserre les différences. Aujourd'hui, on s'y prépare de plus en plus et plus ou moins efficacement. En commençant du choix de l'emplacement au cimetière en passant par la cérémonie funéraire que l'on peut confier désormais à des sociétés des pompes funèbres. Du côté du Djellaz, première destination de notre visite mortuaire, le regard se noie dans ces horizons de tombes qui s'étendent sur 64 hectares. « Jusque-là on a enregistré 6906 actes de décès pendant l'année en cours, dont les 80% sont inhumés au Djellaz On reçoit parfois 22 morts par jour, 10 au minimum. Tout dépend, en fait, de la période de l'année où l'on compte plus de décès pendant l'hiver et en été où les accidents de la route sont au summum», avance M. Mohamed Néjib Ezzeydi, le conservateur des cimetières municipaux. Ici on ne choisit pas le lieu où sera inhumé le corps. La sépulture est l'apanage du personnel du cimetière. Et contrairement à l'idée reçue qui a, paraît-il, la vie dure, « Il y a de la place pour tout le monde. En plus la municipalité compte faire une extension sur 75 hectares du côté de la route Borj Ali Rayès», remarque notre interlocuteur qui continue « Nos concitoyens veulent inhumer tous leurs proches dans la même zone. En plus ils veulent bâtir une chaise qui fait 60 cm sur 80cm pour pouvoir se reposer en effectuant le rituel de la visite hebdomadaire du cimetière. Et comme ce n'est pas toujours possible, ils se disent que le cimetière est saturé. Pour éviter les tracasseries, il faut préparer l'acte de décès à temps, pour pouvoir contacter par la suite l'un des deux entrepreneurs conventionnés avec la municipalité à qui incombe la tâche de la préparation de la sépulture. Il y a par contre une autre solution qui consiste à ouvrir une ancienne tombe mais cela n'est faisable qu'après 8 ans. On le fait généralement au cimetière Sidi Yahia, saturé depuis 2005».
Société des pompes funèbres
Mieux encore, certains compatriotes se payent, désormais, les services des sociétés des pompes funèbres qui poussent comme des champignons sous nos cieux. L'idée en fait, est de s'épargner la galère dans les dédales de l'administration où l'on se retrouve obligé parfois de chercher un extrait de naissance qui se tasse au ‘'cimetière'' de la paperasse administrative… Mme Rebha Hertelli, diplômée d'une école française des pompes funèbres nous a confié que les Tunisiens font de plus en plus appel à des entreprises mortuaires qui prennent en charge la préparation de la paperasse administrative, s'occupent du rapatriement du corps si besoin y ait, et peuvent même organiser la cérémonie funéraire. « On assiste nos clients pour faire la toilette rituelle du mort, pour la préparation du dîner du Farq, pour la pause des tentes s'ils le souhaitent bien… », souligne Mme Hertelli qui travaille pour le compte d'une société des pompes funéraires tunisienne et ne lésine pas, par ailleurs, à conseiller ses clients quant à la manière dont on devrait procéder au moment où la personne décède. Exemple nous confie-t-elle, « Contrairement à ce que l'on croit, il ne faut pas laisser ouverte la fenêtre de la pièce où repose le corps du décédé. Il faut, également, éteindre la lumière quitte à ne garder qu'une petite lampe allumée. » Et si l'on ne peut s'offrir ces conseils qui se payent, on peut ne compter que sur ses propres moyens pour préparer la paperasse qui ne coûte, selon M. Ezzeydi, que 49D, 500 pour la sépulture et seulement 20DT pour le transport du cercueil. Le conservateur du cimetière nous raccompagne pour une visite guidée entre les arcanes du Djellaz, … en ce jour, où la saison des feuilles mortes commence à exhaler ses derniers souffles… Notre interlocuteur nous raconte la petite histoire du cimetière nommé ainsi à l'honneur de Sidi El Jellaz, cheikh tunisois ayant fait don du terrain du cimetière. Au détour des allées, huit au total, reposent en paix et à jamais des personnalités illustres à l'exemple de Zoubeir Turki, Choubeila Rached, Kheireddine Pacha, Aly Ben Ayed, Hassan Hosni Abdelwahab… Comme quoi, la finitude rassemble. Seuls les chemins qui y mènent ne se ressemblent pas. Mona BEN GAMRA
Et côté entretien, ça se passe comment ?
Le sujet de l'entretien du Djellaz fait mouche, car d'après le conservateur des cimetières municipaux, M. Mohamed Néjib Ezzeydi, la municipalité fait appel à deux sociétés privées gérées par des jeunes diplômés. Ces entreprises emploient au total 20 ouvriers pour s'occuper de la propreté du cimetière. Un effectif considéré très réduit au regard de la superficie à entretenir (64 hectares). Côté sécurité notamment pendant la nuit notre interlocuteur nous répond « cela ne relève pas de nos prérogatives. Le gardien du cimetière est chargé de surveiller l'espace administratif». M.B.G.