Seize années et l'avenir devant soi. Un bel avenir pour faire du cinéma le médium par excellence de l'ouverture, de la découverte et d'échanges entre le vieux continent et la Tunisie. Avec près de 40 films, les Journées Cinématographiques Européennes proposent des œuvres, toutes récentes, de réalisateurs de quinze pays d'Europe, dont plusieurs ayant participé aux plus grands festivals internationaux. La diversité est de toute évidence l'argument fort de cette programmation. Le partenariat euro-tunisien exprime ses lignes fortes à travers une sélection inédite de longs et courts métrages tunisiens. Ainsi, deux longs métrages de Moez Kammoun et Mohamed Ali Okbi sont insérés dans le programme. Un genre qui a le vent en poupe en Tunisie, à savoir le court métrage connaitra un hommage particulier avec la projection de neuf nouvelles productions. La Tunisie sera, le cap de cet événement cinématographique, une extension de l'espace magrébin en accueillant un film du Maroc avec un long métrage de Mohamed Ahad Ben Souda, d'Algérie avec également un long métrage de Nadir Maknèche, pour la première fois un long métrage du réalisateur de Mauritanie, Abderrahmane Sissoko. La Libye enfin, sera représentée à travers un court métrage du réalisateur Salah Ghuwedri. Autre nouveauté pour cette session, la décentralisation de l'événement qui va projeter les films jusqu'à la région de Gafsa, incluant ainsi une huitième grande ville dans sa stratégie de diffusion. Et même si l'ouverture a zappé un film en 3D fort convoité et attendu par un public adulte mais aussi par les enfants, l'effet époustouflant de cette rencontre avec « Les Barons » de Nabil Ben Yadir valait cette entorse et cette dérogation au sacro-saint respect d'une programmation définitive. Rien ne prédisait que cette insertion de dernière seconde allait être aussi agréable, si ce n'est la certitude de cette sélection et ce choix effectué par la délégation Wallonie-Bruxelles en Tunisie. Le film traite d'une problématique existentielle complexe qui peut se résumer en un questionnement simple : est-ce qu'on choisit sa vie ? C'est en parodiant le vécu quotidien de trois jeunes magrébins pris dans l'étau d'une culture d'origine et un environnement d'accueil, où ils n'ont d'autres perspectives que de se tenir à carreau de la société à cause d'un statut précaire. Le film de Nabil Ben Yadir exprime avec une justesse de ton et un regard somme toute plein d'amour, le quotidien chaotique d'une certaine jeunesse en perte de repères et à l'équilibre vacillant. Les trois glandeurs, qui se sont autoproclamés « Barons » pour revendiquer un statut de chômeurs, et légitimer une condition d'Etre qui caractérise le marasme de leur vie sont une sorte d'archétypes de tant de jeunes émigrés dans les pays occidentaux en quête d'une identité à construire. Le regard du réalisateur, réaliste et loin des clichés, nous convie à épouser son angle de vue truffé, en dépit de la dimension tragique parfois dramatique de certaines scènes, d'espoir et de perspectives heureuses pour qui, dans cette jeunesse expatriée, choisit de s'approprier les valeurs porteuses, valeurs universelles partagées par tout être humain qui rêve d'un avenir en harmonie avec ses aspirations et en cohérence avec le respect des différences.