Très bon résultat pour la soirée « Fracture » le mardi 30 novembre sur France2. Peut-être ; puisque le sujet est toujours au cœur de l'actualité, et qu'il n'a de cesse, du reste, à tort ou à raison, de servir d'argument électoral pour prétendants à la crédibilité usée. Ce qui ne veut pas dire bien évidemment que la question ne se pose pas, et qu'il n'existe pas de violence, ni de problèmes en banlieue. Qu'il n'en existe pas aussi, ici en l'occurrence puisque c'est le sujet du téléfilm réalisé par Alain Tasma, dans les écoles et les lycées implantés dans des quartiers, réputés difficiles d'accès, surtout pour des professeurs qui débutent, dont la formation, plus théorique que pratique, se heurte forcément à un mur, une citadelle quasi imprenable, s'ils n'ont pas su saisir à temps, certains codes d'accès, leur permettant de communiquer avec des adolescents qui se sentent marginalisés par un système, lequel a tôt fait de les larguer, faute d'opérer à leur « sauvetage » en amont. Le « pitch » de Fracture, fiction scénarisée par Emmanuel Carrère d'après le roman de Thierry Joncquet : « Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte », c'est donc l'histoire d'une jeune enseignante en Histoire et Géographie, affectée dans un lycée en Seine-Saint-Denis, qui se prend d'affection pour un élève : Lakdar Abdane, particulièrement doué, passionné de B.D, mais qui, suite à une erreur médicale, perd définitivement l'usage de sa main droite. Alors on nous annonce un téléfilm courageux, qui s'immerge au cœur du réel pour en pointer du doigt les disfonctionnements, sans prendre partie et sans juger, et sans non plus passer la violence à la guimauve, en se voilant la face. On veut bien le croire mais au final, cela donne quelque chose d'équivoque, voire de malsain, et il faudra boire la coupe jusqu'à la lie, en assistant en règle, via une chaîne du service public (français), à un massacre à la tronçonneuse, hilarant à force d'être maladroit, à grand renfort, de surcroît, d'images choquantes et autrement déplacées, avec cette histoire du rapt d'un enfant juif par un adolescent d'origine musulmane, qui confondrait la cause palestinienne et la haine anti -sémite, et qui, cherchant à se venger du médecin qui lui a mal réparé la main, s'en est pris à son petit frère. Les détails sont sordides et atroces, ou atrocement sordides, et le dénouement final, au-delà de l'insupportable. Et si haine il y a, elle suinte justement, et d'une manière fort déplaisante, de ce choix d'une sempiternelle « victimisation » d'un juif, via le personnage de l'enfant qui a été kidnappé, au détriment d'un autre personnage : celui de Lakdar, qui aurait eu –il doit en rendre grâce au réalisateur et au scénariste du film-, des « circonstances atténuantes ». Pas besoin de préciser qu'aussi sympathique qu'il soit, le jeune Lakdar, face à une empathie, calculée au millimètre pré, pour l'enfant juif martyrisé, n'a plus aucune chance. Le « terrorisme arabe » qui prend en cible le peuple « élu » en recrutant bientôt devant les crèches ? On imagine que le peuple élu n'en demandait pas tant. Et « Fracture » creuse la fracture…