• Le microcrédit est caractérisé « par le plafonnement du taux d'intérêt » ce qui le fragilise et met en cause sa pérennité. « Le cadre réglementaire peut présenter une entrave à l'essor de la micro-finance, en Tunisie ». - Le séminaire « entrepreneuriat social et micro-finance », organisé par l'Association Recherche pour le Développement Economique de Sfax, a mis l'accent sur les enjeux, les défis de ce système solidaire aux retombées sociales non négligeables mais qui se heurte à des difficultés pouvant mettre en péril sa pérennité. Comment se définit l'entrepreneuriat social ? D'après le professeur Jean Pierre Domeq, enseignant à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour : « l'entrepreneuriat social consiste principalement dans la mise en œuvre de projets qui relèvent d'initiatives privées -mais aussi associatives- et qui ont des retombées sociales et collectives d'un grand intérêt en termes de solidarité. Il concerne différents domaines comme l'environnement, la solidarité, le logement, la fabrication de biens locaux de nature identitaire…, bref, des domaines où l'entreprise de grande taille ne trouve pas sa place. On peut citer par exemple, l'habitat humaniste : il s'agit d'une promotion immobilière de logements s'adressant à des catégories de populations qui ont un accès difficile aux crédits pour pouvoir se loger. En France, il y a de plus en plus d'associations qui prennent l'initiative de la construction de logements à caractère social, sanitaire ou d'accompagnement, destinés à des personnes à revenus faibles ou à des personnes dans des sites adaptés, en souffrance psychique ou en butte à des problèmes familiaux, etc… ». Entrepreneuriat social Or, l'entrepreneuriat social même s'il ne s'accommode pas de recherche explicite du profit, même s'il se situe dans une perspective « immatérielle » de solidarité et de cohésion sociale, n'en « synthétise pas moins, aujourd'hui, le réalisme économique. En effet, les fonds alloués dans le cadre de la solidarité, que ce soit par la collectivité ou par des donateurs privés, ne doivent pas être perdus, faute de quoi, les donateurs seront ruinés, ce qui pourrait nuire à la continuité du don. », poursuit M. Domeq. Généralement, les fonds proviennent de micros crédits accordés par des institutions de micro-fiance (IMFs), qui, comme l'a précisé la professeure Sabrina Msakni Abbès, « ont pour fonction de proposer des services financiers à des personnes du secteur informel ou à des personnes exclues du secteur bancaire, en raison de la faiblesse de leurs revenus ou de l'absence de garanties de paiement. Il s'agit d'aider les bénéficiaires à monter des activités génératrices de revenus. » Etant donné que 70 % des pauvres dans le monde sont des femmes, celles-ci se voient privilégier par les programmes de microcrédits. « La clientèle féminine représente en moyenne 86 % des emprunteurs des instituions de microfinance en Asie du Sud, 80 % au Moyen Orient et en Afrique du Nord, 76 % en Asie de l'Est, 60 % en Amérique Latine et aux Caraïbes et 58 % en Europe de l'Est et en Asie Centrale ». C'est ainsi que 130 millions de femmes de par le monde qui ont la « les poches vides et la tête pleine de bonnes idées, se sont propulsées, grâce à la micro finance à la tête de micro entreprises, alors qu'elles n'étaient que 05 millions, il y a dix ans. Et les fonds ? En ce qui concerne la Tunisie, il ressort de la communication de Mme Msakni Abbès que les deux pourvoyeurs de fonds chez nous sont la Banque Tunisienne de Solidarité, qui opère indirectement, à travers un large réseau d'associations, dénommées Associations de Microcrédit( AMC), et l'ONG « ENDA interarabe », sachant que le nombre total des AMC, qui bénéficient de lignes de crédit octroyées par la BTS à un taux de 0%, s'élève actuellement à 271, contre 6 seulement en 1999. Pour sa part, Enda interarabe a octroyé, jusqu'en 2008, 408000 prêts d'une valeur de 211 millions de dinars au profit de 135000 clients. En Tunisie, les activités financées par le microcrédit se limitent généralement aux petits métiers : épicier, cuisinier, couturière, esthéticienne, photographe, coiffeur, infographiste. Facteur d'émancipation féminine, de réinsertion économique et sociale, moyen de lutte contre la pauvreté, garant de la dignité humaine, promoteur de l'initiative privée et de l'emploi, l'entrepreneuriat social n'en est pas moins, en dépit de tous ses bienfaits, en butte à de nombreux obstacles que résume le professeur Domeq en deux catégories : « La première a trait à la levée de fonds pour financer à la fois les opérations de financement et de fonctionnement. Très souvent, d'ailleurs, c'est la question du fonctionnement qui pose problème car il n'est pas facile de créer des structures, des bâtiments, des locaux... Donc on peut avoir de bonnes idées qui s'essoufflent par manque de couverture de la dépense. La deuxième catégorie concerne la difficulté à rassurer ceux qui s'engagent par des donations et des placements solidaires, quant à la bonne gestion des fonds qu'ils consentent à fournir ». D'autre part, le microcrédit, pourvoyeur de fonds pour l'entrepreneuriat social, « est tributaire des subventions et des crédits prélevés sur les fonds nationaux de solidarité et d'emploi. ». De plus, il est caractérisé « par le plafonnement du taux d'intérêt » ce qui est de nature à le fragiliser et à mettre en cause sa pérennité, d'autant plus d'ailleurs, que « le cadre réglementaire peut présenter une entrave à l'essor de la micro-finance, en Tunisie ». L'enjeu est donc de trouver la recette idoine pour garantir le minimum vital de rentabilité aux micro-financements consentis, susceptible d'en assurer la pérennité, sans pour autant les départir de leur mission sociale. Problématique ! A moins d'une intervention efficace des Etats, ce qui n'est pas évident à l'ère de la disparition progressive de l'Etat providence de par le monde !