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Les institutions de microcrédit et la lutte contre la pauvreté
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 08 - 08 - 2011


Par Mohamed Ali TRABELSI*
Les programmes de microfinance sont devenus un élément clé des stratégies de lutte contre la pauvreté. Les innovations financières qu'ils utilisent, que ce soit les prêts groupés, l'utilisation de services non financiers ou de mécanismes incitatifs dynamiques, ont accru l'intérêt des gouvernements et des chercheurs en tant que moyens de lutte contre la pauvreté.
La microfinance comprend toute une palette de services financiers destinés aux couches de populations défavorisées, tels que les microcrédits, la petite épargne, les micro-assurances ainsi que les transferts de fonds. Ce secteur connaît une croissance extrêmement rapide dans le monde.
Pour l'essentiel, la microfinance a un double objectif : elle permet d'abord de favoriser l'accès des petits producteurs exclus du circuit bancaire à des services financiers de proximité et adaptés à la taille de leurs activités (micro-entreprises/ microcrédits). Ensuite, elle contribue à réaliser une meilleure collecte de l'épargne des ménages et des petits entrepreneurs pour la réinjecter dans le circuit économique. Donc, le microcrédit peut être considéré comme un moyen d'intégration sociale.
Les pouvoirs publics comme les bailleurs de fonds ont toujours présenté les structures de microfinance comme l'un des instruments alternatifs pour répondre aux besoins des plus démunis et de lutte contre la pauvreté et la réduction du taux de chômage.
Economie sociale dans le monde 
L'économie sociale résulte des pratiques collectives de développement durable qui contribuent à la construction d'un monde plus juste et équitable. Elle ne peut progresser que dans une perspective d'ensemble établissant des liens entre l'économique et le social, entre le local et le mondial, entre le travail et l'investissement, entre production, consommation et environnement (Michel Lelart, 2006). L'économie sociale fait partie des réponses à la crise économique actuelle que ce soit dans les pays du Sud ou dans les pays du Nord et d'atteindre la population la plus pauvre (Sergio Navajas et al, 2.000 & Sajeda Amin et al, 2003).
L'économie sociale revient à l'ordre du jour comme une approche qui nous invite à repenser les rapports entre l'économique et le social à l'échelle de la société et non plus à l'échelle d'une entreprise ou d'une organisation prise individuellement (Claude Vienney, 1994).
D'une manière générale, la particularité de l'économie sociale et son mérite proviennent du fait qu'elle s'attaque aux difficultés des plus démunis et aux besoins individuels et collectifs souvent difficiles à gérer par l'Etat en raison de leur complexité. Elle emploie des personnes exclues ou qui risquent de l'être, elle fournit des services individuels à des personnes à faibles revenus et veille enfin à un développement durable. Dans ce contexte, David Hulme et Paul Mosley (1996) et Jean-Michel Servet (2005) montrent que les programmes du microcrédit ont un impact positif sur la pauvreté des clients.
Quelle alternative à l'entreprise dans un contexte de crise ?
Les organisations de l'économie sociale et solidaire (ESS) ont pour objectif la primauté de l'homme sur le capital mais également la solidarité, l'entraide, la coopération, le refus de l'exclusion, l'autonomie de gestion, la bonne gouvernance et la lutte contre le chômage. Autrement dit, la dignité de l'homme qui se réalise par le labeur économique. Il s'agit donc de l'émergence d'un troisième secteur aux côtés des deux autres secteurs public et privé.
L'économie sociale constitue également un facteur d'insertion, de solidarité et de cohésion sociale par l'intégration professionnelle et sociale de personnes en risque d'exclusion en raison de leurs difficultés spécifiques liées au handicap, à l'âge, au sexe, à la non- qualification, etc. De même, l'économie sociale joue un rôle dans le développement local en favorisant la fixation des populations dans des zones géographiques désindustrialisées et pauvres.
Selon le rapport de l'observatoire national de l'économie sociale et solidaire en France, l'ESS rassemblerait aujourd'hui plus de 203 000 organisations employant 2,1 millions de salariés qui représentent 9,8% de l'emploi. Les études récentes montrent qu'en France, l'ESS a un poids très important dans le secteur financier (un tiers des emplois). Elle joue également un rôle essentiel dans le domaine sanitaire et social, ainsi que dans l'éducation populaire.
En Amérique latine comme en Asie, on trouve de nombreuses coopératives, mutuelles, associations ou fondations. En effet, partout où les hommes vivent, nous trouvons des personnes qui tentent de répondre aux questions économiques et sociales auxquelles l'Etat et/ou le secteur privé ne donnent pas de réponses satisfaisantes.
Les microcrédits en Tunisie 
Le concept de microcrédits en Tunisie n'est pas nouveau. Les premières tentatives se sont concentrées dans le secteur agricole avec l'expérience collectiviste durant la période 1962-1969, avant même l'existence de Grammen Bank. Cette opération a été dirigée par des Caisses d'épargne et de crédits (CEC) qui avaient pour mission de financer des unités coopératives de production agricoles. Leur tâche consistait à collecter de l'argent des membres qui servaient de prêts aux adhérents des coopératives. L'expérience fut abandonnée concomitamment avec l'échec de l'expérience collectiviste en 1969 (Ahmed Ben Salah, 2008).
Au début des années 1970, dans le cadre de la nouvelle politique libérale, un autre système de financement des microcrédits agricoles s'est instauré. Il s'agit des Sociétés de cautionnement mutuel (SCM) qui se chargeaient de cautionner les membres (les petits exploitants agricoles) auprès des établissements de crédit pour l'obtention des financements. Elles s'engageaient à couvrir 25% des prêts octroyés. Cette couverture s'effectuait grâce à un fonctionnement mutualiste où chaque membre était appelé à verser une commission représentant 0,25% à 1% du crédit obtenu.
Ces expériences ne couvraient que le secteur agricole. Les autres secteurs d'activités restaient marginalisés et exclus du système. Toutefois, il convient de noter quelques expériences non réussies à cause de l'absence d'une politique rigoureuse de la part des pouvoirs publics en matière de recouvrement. Nous pouvons citer le programme de développement rural lancé en 1973 et le programme de l'emploi des jeunes en 1983.
L'apparition de véritables institutions spécialisées en microfinance ne remonte qu'en 1995 avec la création d'Enda interarabe et le lancement du système de microcrédit à travers les associations de développement par la Banque tunisienne de solidarité (BTS) en 1997.
Enda interarabe 
Institution de microcrédit pionnière en Tunisie, Enda interarabe contribue au développement économique du pays et à la lutte contre la pauvreté en permettant aux populations exclues  du système financier formel d'accéder régulièrement à des services financiers adaptés à leurs besoins. A travers son réseau de 60 agences opérant dans 22 gouvernorats, Enda dessert 168.000 clients actifs vivant dans des zones défavorisées et a octroyé 854.000 prêts pour une valeur cumulée de 527 millions DT, et ce, depuis 1995 jusqu'au juillet 2011 (source : Enda).
Les services d'Enda présentent aux clients l'avantage de la proximité des antennes, la rapidité du service, la simplicité des procédures et l'adaptation des prêts aux besoins des clients. Elle est autosuffisante et refinancée par des prêts bancaires de la part d'institutions nationales et internationales. La population cible d'Enda interarabe est constituée de travailleurs indépendants vulnérables en termes d'accès au capital financier et humain, de formation et d'encadrement.
Consciente de l'importance de la femme en tant que noyau de la famille et principal éducateur des enfants, Enda la soutient afin qu'elle puisse prouver ses compétences et mettre en valeur sa production. Selon les statistiques, 89 % des bénéficiaires sont des femmes (76% sont des femmes mariées, 30% sont analphabètes et 42% d'entre elles ont fréquenté l'école primaire). Par ailleurs, 70% des femmes se sont spécialisées dans le commerce, 25% d'entre elles dans l'alimentation et 45% dans l'habillement. Cela rentre dans la logique de l'insertion de la femme dans la vie active (Syed Hashemi et al, 1997 et Muhammad Yunus, 1997).
La stratégie que propose Enda a porté ses fruits. Le remboursement est un principe essentiel. Il a atteint un taux de 99,8 %. Un pourcentage qui reflète la relation de confiance et de sérieux entre Enda et ses clients.
Quant aux responsables de la BTS, ils notent que la banque est tributaire des subventions et des crédits prélevés sur les fonds nationaux de solidarité et de l'emploi. Elle est incapable de se référer au marché financier pour se refinancer. Cette limite avec le plafonnement du taux d'intérêt est de nature à fragiliser l'assise financière de la banque et mettre en danger sa pérennité. Une étude réalisée en 2004 par le Consultative Group to Assist the Poor (CGAP) note quelques limites qui freinent le développement du microcrédit en Tunisie en mettant l'accent sur les AMC qui souffrent d'un manque cruel de ressources à la fois pour le fonctionnement actuel et pour leur croissance. Ces limites sont en rapport avec le taux d'intérêt plafonné qui ne permet pas de couvrir les charges de fonctionnement des associations et limite l'accessibilité au refinancement auprès des banques commerciales tunisiennes ou étrangères, la forte dépendance envers les subventions, le manque de données fiables pour analyser objectivement les performances des AMC et surtout qu'il n'existe aucun mécanisme de contrôle pour vérifier si les 80% qui doivent être remboursés par les AMC proviennent effectivement du remboursement des prêts et non d'éventuelles subventions externes et enfin le manque de formation. Ces limites menacent la pérennité des associations et peuvent conduire à l'effondrement de la politique de microcrédit. Pour y faire face, le CGAP recommande deux mesures urgentes :
- Une assistance technique pour plusieurs AMC afin d'identifier leurs problèmes et leurs potentiels d'amélioration en terme de performance ;
- Une assistance pour la formation et la mise à niveau de formateurs.
Pour ce faire, le gouvernement doit analyser la performance sociale, financière et économique du système de microcrédit géré par la BTS, et ce, par une évaluation de la performance sociale, une analyse de l'organisation de la banque ainsi qu'une analyse des états financiers.
En conclusion, nous pouvons dire que cette étude montre que le développement de la micro-finance en Tunisie, en particulier dans les régions défavorisées, est essentiel pour la lutte contre la pauvreté et contre l'exclusion sociale. Cependant, il est impératif d'améliorer le cadre réglementaire de la micro-finance afin de permettre son développement dans l'ensemble des régions et contribuer à l'emploi notamment des couches les plus défavorisées de la population. Dans ce contexte, le rôle du gouvernement est primordial. Il doit impliquer la plupart des banques, des fonds d'investissement et aussi les associations de microcrédit afin de relever ces défis à travers l'octroi des prêts aux plus démunis et l'investissement dans les régions défavorisées.
M.A.T.
*(Maître de conférences, Ecole supérieure de commerce de Tunis, Université La Manouba)


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