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Fidélité à la mémoire
Rencontre avec Sonia Chamkhi, suite à la sortie de son film documentaire « L'Art du Mezoued »
Publié dans Le Temps le 30 - 12 - 2010

Auteure, enseignante, réalisatrice et chercheur, Sonia Chamkhi a consacré un documentaire de 52 mn à l'art du Mezoued. Et c'est un film qui n'a de cesse de faire débat, parce qu'il éclaire d'un jour nouveau, un genre musical, jusqu'ici confiné dans les marges. La cinéaste entreprend un long travail de recherche, se coltine au terrain, rencontre des musiciens à qui on tend rarement le micro pour s'exprimer. Il se trouve qu'ils avaient beaucoup de choses à dire.
La réalisatrice aussi, qui a été subjuguée par la richesse de leur répertoire autant que par la profondeur de cette musique qui s'appuie sur le Mezoued (Cornemuse). Craignant la disparition de cette partie –déconsidéré- de notre patrimoine, l'auteur de « Wra Leblayek-Borderline », en a fait son cheval de bataille. Via ce documentaire. Rencontre :

Le Temps : D'où vous est venue l'idée de réaliser un documentaire sur l'art du Mezoued ? Et quel a été le déclic?
Sonia Chamkhi : C'est très simple, je suis partie de deux réalités, lesquelles, à mon sens, ne peuvent que se rejoindre, bien qu'elles puissent paraître contradictoires dans l'état actuel des choses. Le premier constat, c'est d'abord la grande et immense popularité du Mezoued. Et le second, c'est son interdiction de la télévision tunisienne pendant plusieurs décennies, et ce depuis l'indépendance. Ce qui m'a franchement poussé à réfléchir, et à me poser des questions. Pourquoi une musique si populaire, est-elle interdite d'antenne ? Pourquoi justement en avoir privé ses adeptes, qui ne se comptent pas sur les doigts d'une seule main ; loin s'en faut… Pourquoi l'avoir reléguée aux marges ? Et puis j'ai commencé à m'y intéresser de très prés et j'ai entendu parler de noms mythiques, appartenant à ce monde qu'on taxe d'underground, à l'instar de Salah Farzit, pour ne citer que lui. Je le connaissais sans le connaître, c'est-à-dire que j'en avais entendu parler, mais je ne pouvais pas fixer un visage sur son nom. J'ai réalisé qu'autour de moi, les gens adoraient ses chansons. Imaginez, son répertoire compte quelque cent trente chansons, aujourd'hui heureusement téléchargeables sur internet pour la plupart. A peu près soixante-treize chansons sont téléchargeables sur MP3. Et donc j'ai commencé la véritable enquête, sachant que ce ne fut pas simple. Car Il n'existe aucun document audiovisuel, aucune publication, aucune recherche scientifique ou technique, consacrés au Mezoued. J'ai commencé par faire le tour des instituts d'enseignement de la musique en Tunisie. Peine perdue bien sûr, puisqu'il est interdit d'enseignement, y compris au conservatoire des arts populaires.
En fait, je m'aperçois qu'il y a eu quelques personnalités qui ont essayé de le sortir de l'ombre. A l'instar du musicologue Zouhair Gouja, et de Ali Saïdane, spécialiste des expressions populaires, qui ont défendu ce patrimoine, et ont compris l'importance de la transmission qui est un maillon de la chaîne, laquelle ne doit jamais être rompue. Et je réalise que leurs voix sont hyper-minoritaires, écrasés par une élite majoritaire, qui a estimé que le Mezoued est un sous-genre, et qu'il fallait le reléguer aux oubliettes.

Vous avez donc entrepris un travail de recherche, en amont, et vous avez rencontré des « Mzewdia »…

Oui, sur le terrain j'ai rencontré des «Mezwdias» exceptionnels, qui m'ont véritablement impressionné. Je me suis aperçue qu'ils avaient une merveilleuse connaissance du Malouf tunisien, en plus de la maîtrise des modes rythmiques spécifiques du Mezoued. Mustapha «Guattalessid» par exemple, maître des noubas soufis «Mezoued». Et c'est grâce à lui que j'ai découvert un répertoire Mezoued soufi, quasiment éteint depuis le départ de la communauté juive tunisienne vers la fin des années 60. A l'instar de khammous, qui a été le maître de «Guattalessid», Khatoui Bouokkaz, Maurice Mimoun, et le frère de Habiba M'Sika. Je découvre donc ce répertoire inouï d'un Mezoued, qui est totalement méconnu, et qui a été régénéré à Paris, et plus spécifiquement à Belleville. J'ai réalisé –chose que j'ignorais jusque -là-, qu'il y avait trois catégories de Mezoued :
Le mezoued «Zardali», celui de la prison; le mezoued soufi, la nouba (Hédi Donia a repris le répertoire en 1995) ; et enfin le mezoued festif (Haffali), celui des cérémonies, des mariages, de toutes les fêtes.

Est-ce que le documentaire a été bien accueilli à sa sortie ?

Cela dépend. Grosso- modo oui ; mais les gens étaient soient amusés, soit très réticents. Il y a ceux qui ont adhéré bien sûr, et qui ont été très touchés par le film. Par contre, les autres réactions étaient du genre : « ah, un Docteur d'état qui s'intéresse au Mezoued, ce n'est pas très sérieux tout ça. Comme si c'était des choses antinomiques. Une faute de goût, ou une erreur de parcours. Quand aux sceptiques, ils ne lui reconnaissent même pas son apport musical.
Et il y avait également le public du Mezoued qui était ravi ! Au fait, c'est surtout ceux qui se considèrent comme une tête pleine, qui font du snobisme culturel leur sport national. Pour eux, c'est un genre qu'ils considèrent comme moins que rien ! Et moi Je suis contre la hiérarchisation de l'art, dans la mesure où Il y a différents genres d'écoute : il y a des musiques contemplatives, des musiques transitives qui passent les émotions, des musiques créatives…
Pour moi le Mezoued (le film), non seulement il appelle à la reconnaissance d'une mémoire, d'un patrimoine qui est le nôtre, qu'on le veuille ou pas et je ne vois pas pourquoi on le déprécierait, mais parce qu'il a les mêmes qualités que le blues, que le Raï algérien, ou le Chaâbi marocain. Il a ses modes, ses artistes, et un immense auditoire. C'est une musique qui raconte les gens, leur quotidien, leur vie quoi ! Et c'est en plus un art complet et extrêmement basé sur le talent des musiciens. C'est comme le jazz, qui est énormément basé sur les improvisations. Pour moi c'est un genre à part. Je ne vois pas l'intérêt de le comparer, comme pour le dénigrer, au Malouf, à la musique classique, etc.
Depuis l'indépendance jusqu'à aujourd'hui, sa marginalisation est comme qui dirait un « leitmotiv » récurrent, j'insiste là-dessus. Et il est toujours menacé de déclin. Evidemment, le film à lui seul ne peut pas résoudre le problème. Ni décliner l'historique au complet. Mais il eu le mérite de susciter un grand débat, notamment médiatique, et de pointer du doigt la faille.
Le Mezoued doit être réhabilité, ça c'est primordial ! C'est un devoir de mémoire. Et puis le Mezoued, c'est comme le Raï, c'est la musique de la jeunesse tunisienne, et ce n'est pas à sous estimer. Y compris d'ailleurs pour un public « branché ». Il reste en osmose avec le public ; ça doit vouloir dire quelque chose non ? Pourquoi ne pas s'en occuper comme on l'a toujours fait pour le Malouf ? Il faut le réhabiliter avant qu'il ne soit trop tard. Nous souhaitons que la musique populaire survive. Son déclin serait grave. D'autant que la hiérarchisation des genres appartient à des concepts caducs. Chaque musique doit trouver sa place. Si le répertoire populaire est exclu (Gasba, Zokra, Mezoued), on y perd une partie de notre âme.

A votre avis, à quoi est due cette marginalisation ?

Je pense que l'élite des années 60 et 70 également, avait une vision très restreinte de ce que devait être une culture nationale de haute facture. Et je pense qu'ils ont imposé un modèle andalou-turc, surestimé, au détriment de la musique populaire authentiquement tunisienne. C'est un choix qui est ainsi déterminé par l'appartenance sociale de l'élite en question. Sauf qu'on ne se coupe pas impunément de ses racines. Et puis le Mezoued vous touche aux tripes, si vous êtes réceptifs à ses accents de vérité. Cela s'appelle être authentique…
Propos recueillis par : Samia HARRAR

L'Art du Mezoued sera projeté le 21 janvier (à 15h30) au Club Culturel Tahar Haddad, où il fera l'objet d'un débat.


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