Il est 18h, c'est l'heure du couvre-feu qui se prolonge jusqu'à 5h. Et pourtant ! À l'entrée des quartiers et dans différents coins, pour la plupart stratégiques des cités, vous verrez un groupe de jeunes et de moins jeunes bâtons à la main, en train de monter la garde. Ce sont les habitants de ces quartiers, volontaires et braves ils ont décidé de protéger leurs voisins, leurs villes des mains des pilleurs et des fouteurs de troubles. Ce sont, en fait, les gardiens du temple tunisien. Car depuis que l'ancien Président a quitté le pouvoir, déchu par la Révolution des jeunes ayant trop longtemps la chape de plomb du pouvoir, c'est le chaos sécuritaire. Des bandes de malfaiteurs dits des milices de l'ancien régime despote serait à même de semer les troubles en pillant et saccageant des biens publics et privés, en agressant des civils en les persécutant jusqu'à même leur domicile. Le but : faire croire à une Tunisie chaotique après Ben Ali. Si les jeunes ont pu mener jusqu'au bout, avec le sang et l'abnégation, sa révolution, ce n'est sûrement pas pour laisser leur cher pays en proie à ce déferlement de violence à l'encontre de leur prochain. Et plus que jamais, les Tunisiens sont aujourd'hui solidaires : les jeunes montent la garde, les habitants leur fournissent des munitions pour tenir des heures durant dans des circonstances pour le moins éreintantes et scabreuses. Bien sûr, nous serions injustes si nous ne faisons pas un clin d'œil à notre intrépide armé de terre, mobilisée sans lésiner sur les efforts et les moyens dans l'unique et seul but de protéger notre peuple. Malgré son inaccoutumance à ce type de situations, notre Armée Nationale vaillante s'est montrée perspicace et coopérative avec les habitants des quartiers qu'elle garde. D'ailleurs et pour l'anecdote, plusieurs citoyens ont déclaré qu'il n'est plus besoin de rafle pour enrôlement, aujourd'hui ils sont tous volontaires pour s'engager dans l'armée. Bien joué ! Nos jeunes ont fait montre d'une gracieuse bravoure et d'un comportement civilisé et mature digne d'un peuple ayant engendré la révolution la plus spectaculaire et la plus fière du monde arabe. Hommage à la jeunesse tunisienne, devenue gardien du temple tunisien. Nadia BCHIR ------------------------------- Témoignages Hamdy B'chir, étudiant, 25 ans : « Depuis trois jours maintenant, nous montons la garde dans la ville de Radès. Nous sommes un groupe d'une centaine en tout et pour tout, en ce qui concerne, nous sommes quatre à monter la garde dans mon quartier Mont Gil, nous faisons des barrages à l'entrée et à l'accès du quartier depuis l'après-midi jusqu'au matin. Il y a aussi quatre anciens policiers du poste de police de Radès. Bien sûr il y a l'armée nationale qui surveille et intervient lorsqu'il est nécessaire surtout comme par exemple avant-hier nous avons chopé un des membres de la milice de l'ancien régime. Nous sommes fiers de pouvoir aider notre pays à se reconstruire et à faire assurer la sécurité dans nos propres quartiers en dépit de tous les dangers et les risques que nous encourons mais cela en vaut la chandelle.» Mehdi Ben Saâd, employé, 29 ans : « J'habite à l'Aouina mais je suis venu à Mutuelle ville afin d'apporter mon soutien à ce quartier. Je me suis associé aux jeunes du quartier pour construire des barrages et des barrières aux différentes entrées de la cité et nous montons la garde pendant près de douze heures. C'est vrai que c'est dangereux et fatiguant mais cela n'est rien à côté de la sécurité des habitants et de nos familles. Si l'armée ne peut pas assurer tout le travail à elle seule, il n'y a aucun mal à ce que nous leur apportons notre soutien, nous leur avons déjà livré deux personnes suspectes qui ne sont pas du quartier. Nous utilisons bien entendu des armes comme les bâtons, les couteaux, les bombes à gaz, les cocktails Molotov (que nous avons fabriqué nous-mêmes), et autres. Nous sommes obligés bien sûr d'être armés pour pouvoir se défendre. Nous faisons aussi des rondes de temps en temps pour vérifier les différentes rues du quartier. Sinon, il n'y a pas des policiers dans le coin et à dire vrai nous n'en voulons pas car nous ne savons plus s'ils sont de vrais policiers et des membres de la milice. La vigilance est notre leitmotiv jusqu'à ce que les choses reprennent leur cours normal. » Marwen Guerfel, étudiant, 25 ans « Nous sommes environ une quarantaine de personnes à la cité Ezzouhour, avons monté des barrages avec de grosses pierres et d'autres matériaux que nous avons trouvé à notre portée. Nous montons la garde depuis le couvre feu jusqu'à ce l'armée ne donne l'ordre de la suspendre. Nous utilisons toute sorte d'arme, essentiellement des armes blanches, tous ce que nous pouvons trouver chez nous, nous sommes obligé de faire avec les moyens de bord avec ces circonstances atténuantes et périlleuses. Pour l'instant nous n'avons pas vu de personnes réellement suspectes mais nous gardons notre vigilance au maximum. Hier, le travail a repris dans beaucoup d'entreprises et cela nous pose un véritable problème de circulation et de bouchons, alors nous essayons de faire de notre mieux pour assurer notre boulot de surveillants ou de gardiens. En revanche, je voudrais signaler qu'il existe dans certains quartiers, des personnes qui ont monté des barrages afin de voler et d'extirper certains biens aux passants, il faut donc faire très attention.»