Après avoir vécu quelque soixante ans sous le règne de deux seuls présidents dont le premier (Bourguiba) s'était autoproclamé président à vie et qui n'a pu tenir parole puisqu'il fut «mornaguisé » (limogé) par le second alors qu'il était encore un jeune homme de quatre-vingt quatre ans, le même second qui avait juré qu'il n'y aura plus de « présidence à vie » fut à son tour évincé au bout de vingt trois ans de règne on ne peut plus démocratique alors qu'il venait à peine de quitter son biberon à l'âge de soixante dix-huit ans, la Tunisie dans sa nouvelle frénésie créatrice a pu en l'espace de quelques quarante-huit heures être gouvernée par trois présidents successifs sans que cela puisse lui poser le moindre problème : l'adorable Ben Ali et ses cheveux éternellement noirs (ce n'est pas pour rien qu'il a épousé une coiffeuse), le Premier Ministre Ghanouchi et enfin le président du parlement le light 0 % calorie Fouad M'bazaa. Cette frénésie a fait germer une ribambelle de futurs présidents timidement connus ou encore à connaître. Nous pensons que d'ici la date des élections ce peuple de dix millions d'âmes fera éclore une petite centaine de prétendant au gouvernail suprême. Parmi ceux qui se sont hâtés d'afficher leur volonté de conduire ce peuple à leurs paradis respectifs, deux grosses pointures incontournables Moncef Marzouki et Taoufik Ben Brik. Le premier fut accueilli à l'aéroport de Carthage comme Bourguiba (toute réserve gardée) au port de la Goulette en 1955, du coup, ce monsieur fort respecté jusque là changea de vocabulaire pour ne plus parler du peuple tunisien mais de « mon peuple ». « Son » peuple l'a porté sur les épaules, il a confiance en « son » peuple, il ne trahira jamais les aspirations légitimes de « son » peuple etc… On raconte cependant cette mésaventure dont il fut « victime » lors d'une manifestation dans une ville du terroir. On lui aurait volé son téléphone portable. Priant qu'on lui restitue au moins la puce pour pouvoir joindre ses camarades, le président de « son » peuple s'est vu offrir par l'un des jeunes présents son portable dans sa totalité « voici, non seulement votre portable, monsieur, mais aussi votre puce » aurait dit le jeune homme avant d'ajouter : « Mais cela n'empêche, nous ne voterons pas pour vous, car si vous n'avez pas pu prendre soin de votre téléphone portable, comment pourriez-vous prendre soin du peuple que nous sommes ? » Est-ce la vérité ou juste une anecdote ? Cela importe peu. En Tunisie les rumeurs et les blagues sont souvent plus solides que la réalité ! Quant à Ben Brik, il s'est tout simplement proclamé Prophète, vu qu'il avait tout prédit dans ses livres. C'est à se demander que s'il avait pris en considération ses visions, le peuple tunisien n'aurait-il pas évité de déclencher sa révolution dont « le prophète » se présente comme étant le père dans une interview gracieusement accordée au Nouvel Observateur. Nous ne pouvons que le croire tout en cherchant à connaître qu'elle en serait la maman. Car tout le monde le sait pour fonder une famille il faut un papa et une maman. Dans l'histoire de l'humanité on ne connaît qu'un seul cas d'enfant né sans papa c'est le Christ. Le miracle de Ben Brik serait-il d'avoir engendré tout un peuple avec sa révolution sans maman. C'est possible. Chaque prophète a –au moins- un miracle dans ses manches. Hechmi GHACHEM