Jeanne Moreau qui chante : « J'ai la mémoire qui flanche… » dans « Jules et Jim » de Truffaut, ça ne s'oublie pas. C'est beau le cinéma, c'est à l'image de la vie, et puis on peut toujours y avoir recours aux ellipses, histoire de gagner du temps, en attendant que le générique de la fin du film vienne tout absoudre alentour, dans un sens, ou dans l'autre, faisant pleurer dans les chaumières ou pousser des « ouf », de soulagement. Et ça passe comme une lettre à la poste. Sauf exception. Mais si le cinéma est à l'image de la vie, dans la vie, quand on est frappé d'amnésie, soudaine, prompte comme le froissement d'une veste que l'on retourne, cela porte bien un nom : l'indécence. Et l'on est bien loin, là, de la poésie à la grâce ineffable d'une « Mademoiselle Jeanne », dans un univers aux antipodes de la nausée provoquée par l'outrecuidance, et le cynisme culotté qui se pare de vertu, chez ceux qui, hier encore, faisaient la gaffe d'insulter l'avenir, et l'intelligence humaine, et qui aujourd'hui, avec une insouciance extraordinaire, non contents d'avoir su tirer –avec brio- leur épingle du jeu, occupent les devants de toutes les scènes en montrant patte blanche, et en s'improvisant, sans en rougir aucunement, en donneurs de leçons. Mais il paraît qu'il faut de tout pour faire un monde. Et puis de toute façon, en matière de mémoire qui flanche, la négation de l'Histoire n'efface pas l'Histoire, et l'on n'est dupe que de soi-même. Le reste, comme le ridicule, qui ne tue pas heureusement, n'est qu'infimes détails. L'avenir se chargera de tout décanter. Et puis l'essentiel est ailleurs n'est-ce pas ? Mal passé n'est que songes…