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L'ange terrible
Portrait - Jeanne Moreau
Publié dans La Presse de Tunisie le 25 - 01 - 2012


«Tout ange est terrible!» (R.M. Rilke)
Ce n'est pas la peine de déclarer son âge. Limitons-nous de dire qu'il est extrême. Mais contrairement à de nombreuses femmes qui furent belles et célèbres, elle n'a pas déprimé, elle aime afficher sa vieillesse qui a déformé son visage et son corps, mais pas son esprit, ni son cœur. Cette vieillesse, elle ne fait que l'embellir et la rendre d'un charme irrésistible pour ses amoureux, anciens et nouveaux. Après avoir tourné avec les plus grands metteurs en scène, comme l'Italien Antonioni, l'Allemand Wim Wenders, l'Espagnol Luis Bunnel, ainsi qu'avec ses deux compatriotes Louis Malle et François Truffaut, la voilà toujours en forme, et presque omniprésente sur toutes les scènes, cinématographiques, théâtrales, littéraires et même politiques et sociales. Eprise de poésie depuis sa jeunesse, elle aime lire en ces temps de crise, de panique et de dépression à tous les niveaux, les poèmes de Baudelaire, Rilke, Holderlin, Yeats, Neruda, etc. Amie intime de feu Jean Genet, auteur du Journal d'un voleur, elle a présenté au festival d'Avignon l'été 2011, sa pièce Condamné à mort. Répondant aux appels des associations des droits de l'homme, elle a, à plusieurs reprises, participé à des manifestations contre le racisme et signé des pétitions défendant les sans-papiers ou le droit du peuple palestinien à avoir son Etat libre et indépendant.
Dans un débat avec Stéphane Hessel, auteur du best-seller 2011, Indignez-vous, elle exprime, avec une pertinence étonnante, ses idées et ses opinions sur les grands problèmes de notre temps, exposant aussi ses beaux souvenirs de la jeunesse et de l'âge mûr. Et c'est ce débat, à la manière grecque classique et qui restera pour beaucoup inoubliable, qui a réveillé mes amours pour cette grande dame, cette actrice de talent, cette intellectuelle de haute qualité, cette éternelle révoltée, cette femme toujours douce et belle, cet ange terrible: Jeanne Moreau !
La Seconde Guerre faisait rage en Europe. Paris était sous le contrôle des Nazis. La jeune Jeanne, dont la mère était danseuse au «Folies Bergère», tomba amoureuse du théâtre. Elle adorait jouer des rôles, se prendre pour une petite juive avec l'étoile jaune. Punie par une «claque énorme» pour avoir joué ce jeu dangereux à cette époque de catastrophes et de calamités, elle a demandé à son père : «On est juifs ou tu détestes les juifs».
Le monde qui l'entourait ne lui plaisait pas. Elle le trouvait dégoûtant et suffocant : «Je trouvais que les adultes menaient une vie ridicule. Mes parents qui se déchiraient, les trahisons et l'adultère, je trouvais cela dégoûtant. Et j'y pensais l'autre soir, jamais je n'ai reçu un baiser».
La guerre finie et Paris, libéré de la carcasse nazie, elle se lança dans une vie folle. La jeunesse tomba sous le charme de l'existentialisme, du jazz, et des nouveaux courants littéraires et artistiques. Tout cela enchantait la jeune Jeanne qui se voulait indépendante et libre de toutes les contraintes. Ainsi elle ne tarda pas à trouver sa place d'honneur dans le monde du cinéma et du théâtre. Elle a joué dans La chatte sur un toit brûlant, ce qui lui permit de rencontrer l'Américain Tennessee Williams, auteur de cette pièce mondialement célèbre. Dans le film de Louis Malle : Ascenseur pour un échafaud, elle a joué le rôle d'une femme adultère comme Madame Bovary de Flaubert qui pousse son jeune amant à tuer son mari. Refusant d'être la femme «enjôleuse» ou «bifteck» toujours prête à se laisser dévorer, elle ne jouait que le rôle de femme indépendante et révoltée.
La célébrité est venue avec le film de François Truffaut : Jules et Jim (1962) où Jeanne Moreau a joué le rôle de Catherine : «Nous l'avons tourné dans un village des Vosges. Nous séjournions dans un hôtel où de Gaulle avait résidé», se rappelle-t-elle. Dans le film Catherine est française, elle ne sait pas où elle est née exactement. Coquine, les aventures ne lui faisaient pas peur. Jules et Jim a été réalisé par François Truffaut à l'époque où Français et Allemands voulaient tourner les pages noires des conflits sanguinaires qui les avaient opposés les uns contre les autres. Le film fait l'éloge de l'amitié entre deux hommes : un Français et un Allemand.
En 1971, Jeanne Moreau était parmi les signataires du «manifeste des 343», qui était un appel pour la liberté des femmes de pouvoir avorter. «J'ai été contactée par mon amie Florence Malraux qui était pour moi la militante des militantes. Elle m'a montré le texte et j'ai signé tout de suite. Moi, j'ai failli mourir de mes fausses-couches. C'était mon seul engagement. Maintenant, j'aimerais grimper sur les barricades, mais, malheureusement, j'ai passé l'âge».
Les années 70 ont été marquées par une relation très amicale avec le grand Jean Genet qui était pour elle un «génie scandaleux» : «Il (Genet) a été un peu grisé par sa gloire internationale. Mais après le livre de Sartre, il s'est tu, et il n'a plus écrit que du théâtre. Un théâtre engagé, au sens politique le plus noble. Maintenant, la politique, je la mets entre guillemets, elle n'est pas noble», dit-elle.
Jeanne Moreau s'est liée avec d'autres grands écrivains, comme l'Américaine Patricia Highsmith, ou le Français Georges Perros, l'auteur des Poèmes bleus qu'elle vient d'enregistrer pour «France-Culture». Elle était l'amie de l'Américaine Anaïs Nin au temps où celle-ci avait vécu à Paris. En Californie, Jeanne Moreau avait rencontré le grand écrivain Henry Miller: «Il (Miller) me faisait livrer à Los Angeles de très bons vins par des hôtesses de l'air. Au sortir du tournage, je rentrais chez moi, Henry Miller avec Anna, ma gouvernante, choisissaient des vins, Anaïs Nin préparait la table, on faisait des repas délicieux. Et c'est comme ça que nous sommes devenus amis. Ces tendres rencontres m'ont toutes marquée», déclare-t-elle.
Jeanne Moreau aime dire qu'elle a du sang arabe, car «Moreau» vient de «Maure». Dans ce monde qui «mérite toutes les révoltes», comme dit Hessel, elle incarne la Femme noble qui, malgré son âge, n'hésite pas à appeler les indignés à se révolter et à résister face à toutes les formes d'oppression et de répression, car, en fin de compte, «il ne faut jamais se laisser aller au désespoir !».


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