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Lettre ouverte à MM. Mohamed Ghannouchi et Iadh ben Achour
Forum
Publié dans Le Temps le 12 - 02 - 2011

Par Karim Missaoui (Avocat) - Depuis le 14 janvier 2011, date de la fuite précipitée du dictateur, notre pays vit sous une tension permanente. Sans aucun doute, il y a là l'expression naturelle d'une nation qui fait sa Révolution. Comme le disait un célèbre révolutionnaire, Maximilien de Robespierre : « Citoyens, vouliez-vous une révolution sans révolution ? «.
Néanmoins, cette tension est également la conséquence de l'insignifiant capital de confiance qu'ont les responsables politiques auprès des citoyens tunisiens.
L'une des premières urgences à solutionner était donc le rétablissement ou plutôt l'instauration d'un minimum de confiance entre les « nouveaux « gouvernants et les gouvernés.
Malheureusement, force est de constater que cette dimension de la crise a été mal appréhendée. La voie empruntée par Mohammed Ghannouchi, l'ex et nouveau premier ministre, et le calendrier des réformes annoncé par le président de la commission supérieure des réformes politiques, Iadh Ben Achour, ne font en effet qu'accentuer la crise de confiance entre le peuple et ses gouvernants. Il était pourtant urgent de sortir de cette impasse aux conséquences incontrôlables.
Analysons la situation.
Tous les tunisiens se rappellent l'intervention de Mohammed Ghannouchi le 14 janvier 2011, à la suite de la fuite du dictateur. Il s'est référé à la Constitution en arguant de l'article 56. Ce choix était autant inopportun qu'insultant vis à vis peuple tunisien. Le despote venait d'être définitivement chassé par la volonté solidaire de toutes les franges rassemblées de la population, et voilà que son premier ministre nous dit que cette fuite n'est finalement qu'un « empêchement provisoire «. Le dictateur pouvait donc, selon la qualification choisie par Mohammed Ghannouchi, rebrousser chemin et revenir pour continuer à exercer ses fonctions. Inutile de dire que ce choix a suscité l'incompréhension et la défiance du peuple. Et le peuple avait raison.
Pis encore, au lendemain de cette déclaration, on apprend que le dictateur en fuite n'avait même pas signé le décret nécessaire pour transférer ses pouvoirs à son premier ministre, comme l'exigeait l'article 56 de la Constitution, auquel s'est référé Mohammed Ghannouchi lors de son auto proclamation, au soir du 14 janvier, comme Président par intérim!
La confiance a bien évidemment encore pris un coup.
Heureusement, le lendemain, le 15 janvier, le Conseil constitutionnel a repris les choses en main et la fuite du président déchu a été fort heureusement requalifiée de « vacance définitive « du pouvoir. C'est finalement au Président du parlement qu'est échue la présidence de la république par intérim, en vertu de l'article 57 de la Constitution.
Ce recadrage constitutionnel par le recours à l'article 57 était nécessaire, car il était conforme à la volonté populaire qui a incité le dictateur à fuir. Son véritable mérite était de remettre en phase la Constitution avec la volonté populaire. L'honneur et la volonté du peuple fûrent donc sauvé.
Mais que s'est-il passé par la suite ?
Quelle a été la voie choisie par le « nouveau « premier ministre et, surtout, était-elle la meilleure voie, celle qui aurait instauré la confiance avec le peuple révolté et qui préparerait au mieux le les perspectives de l'après Révolution ?
Tout d'abord, et sans trop s'y attarder, il convient de relever les choix politiciens et maladroits des membres du premier gouvernement et les marchandages politiques lors de la constitution du deuxième gouvernement, comme d'ailleurs pour la nomination des nouveaux gouverneurs. Il y a là autant d'occasions qui ont assurément apporté plutôt des indicateurs de défiance envers le pouvoir et les gouvernants. Pourtant, il était impérieux de rétablir la confiance avec les citoyens, gage et préalable à l'instauration de la sérénité et de la stabilité, conditions sine qua non pour le redémarrage des activités économiques et le déclenchement du nouveau processus démocratique.
Que d'occasions manquées. Pourtant, le peuple, soucieux du respect et de la sauvegarde de ses aspirations de liberté et de démocratie, avait soif de signaux forts pour être convaincus que les choses allaient dans le bon sens.
Parallèlement à ces errements, trois commissions furent instituées.
Intéressons-nous particulièrement au programme affiché par le président de la commission des réformes politiques, Iadh Ben Achour.
Quelles sont les lignes directrices du programme annoncé par Iadh ben Achour ?
M. Ben Achour nous a expliqué qu'il fallait s'atteler, notamment, à la modification du code électoral, de la loi organisant les partis politiques, de la loi régissant les associations et à l'organisation des élections présidentielles. Ce n'est qu'après l'élection d'un nouveau président au suffrage universel, qu'il y aura des élections législatives pour élire une assemblée constituante qui aura pour tâche essentielle, la modification de la Constitution.
Autant le dire tout de suite, ce calendrier nous mènera, sauf événement exceptionnel, dans des chemins sinueux et dangereux.
Pourquoi ?
Une chose est sûre, après ce que l'on vient d'exposer, une grande partie du peuple tunisien n'a pas confiance dans ce gouvernement « d'union nationale «, et une autre partie essaye, et nous le constatons chaque jour, de semer le trouble et se délecte de tout événement qui contribue à semer le désordre et l'instabilité pendant cette phase éminemment délicate. Or, la voie choisie, par l'actuel gouvernement et le président de la commission des réformes politiques, apporte de l'eau dans le moulin à ces deux courants. Et ceci est dangereux pour la stabilité du pays comme pour le respect de notre Révolution.
Tout d'abord, l'article 57 de la constitution, fondement de l'instauration du Président par intérim, limite le mandat de ce dernier à 60 jours. Or, à ce que l'on sache, le Gouvernement actuel qui voulait se montrer respectueux de l'actuelle Constitution, en faisant appel au vote du Parlement pour permettre au Président par intérim d'adopter les réformes annoncées par voie de la technique des décrets-lois, s'apprête à la violer de la façon la plus spectaculaire, puisque les élections présidentielles ne se dérouleront, selon ce qui est annoncée, qu'après 6 mois, soit au-delà de la période de 60 jours prévue par la Constitution. Ainsi, au-delà des 60 jours, soit le Président par intérim continuera à présider en dehors de toute légitimité constitutionnelle, ce qui lui sera contesté par le peuple, soit il se retirera et alors il laissera un vide juridique troublant. Dans les deux cas, les forces destructrices, celles qui ont intérêt à semer la perturbation et à faire échouer l'après Révolution, toutes ces forces nocives essayeront de profiter de cette cacophonie.
Nul ne pourra alors parier sur la capacité du Gouvernement à maîtriser cette nouvelle situation. En effet, comment pourra-t-il alors affronter les revendications et accusations de défiance qui lui seront adressées et qui seront somme toute constitutionnellement fondées ?
Il y aura là une nouvelle occasion pour revivifier la flamme de la défiance du peuple. Pourtant, la situation exige des responsables politiques actuels plutôt des gages et indicateurs de confiance.
En cette période d'après-Révolution, le pays a fortement besoin de sérénité et voilà que certains responsables entretiennent le feu des mécontentements et de la défiance.
Plus grave encore. Le calendrier des réformes politiques annoncées par Iadh ben Achour, aborde, me semble-t-il, les problèmes à l'envers.
Selon Iadh Ben Achour, il faut commencer à élire le Président de la République au suffrage universel. Ce n'est qu'à la suite de cette élection qu'il y aura des élections législatives qui déboucheront sur la Constituante, laquelle aura pour tâche de modifier la Constitution et ce faisant de déterminer la nature du régime politique du pays.
Les spécialistes du droit constitutionnel savent très bien qu'élire le Président de la République au suffrage universel, c'est déjà faire le choix, en principe, du système présidentiel. Or, c'est plutôt à l'assemblée Constituante qu'il reviendra de déterminer la nature du futur régime politique. D'ailleurs, plusieurs voies lui seront offerts. Il s'agira de choisir entre plusieurs régimes, à savoir, notamment, le régime parlementaire, comme celui de l'Angleterre, de l'Italie ou de l'Allemagne, le régime présidentiel, comme le régime de l'actuelle Constitution tunisienne, ou bien un régime mixte, comme celui de la France ou alors un régime politique spécifique, selon le modèle de la Suisse, voire même un régime socialiste marxiste, etc.
Finalement, cette commission des réformes politiques s'arroge le droit d'anticiper et d'influer sur la nature du futur régime politique, alors qu'il revient à la Constituante, issue de la souveraineté populaire, d'en décider. C'est effectivement au nouveau parlement d'en discuter et d'en débattre dans le cade d'un débat public entre les véritables et légitimes représentants du peuple. Ce sont les nouveaux députés fraîchement élus qui en décideront dans le cadre d'un véritable débat démocratique.
Il ya là encore, des erreurs politiques répétées, en cette période d'après Révolution, période transitoire qui a pourtant un besoin profond d'éviter tout ce qui peut exacerber la crise de confiance entre le peuple et ses gouvernants.
Ce rapide exposé des errements et choix stratégiques alambiqués va malheureusement à l'encontre de ce qui est demandé d'un gouvernement intérimaire d'après-Révolution , qui est par essence provisoire.
En effet, ce dont le pays avait besoin, pendant la période actuelle, c'était le rétablissement de la confiance entre le peuple et ses gouvernants. Or, la voie choisie par l'actuel Gouvernement et la Commission des réformes politiques, passe nécessairement par des étapes qui constituent, comme nous venons de l'exposer, autant d'indicateurs de défiance !
Le Gouvernement actuel et la commission des réformes politiques ont fait le choix d'agir dans le cadre constitutionnel actuel. Or, après le fameux délai de 60 jours prévu par l'article 57 de la Constitution actuelle, le Président par intérim n'aura plus de légitimité. Tout ce qu'il fera sera alors dénué de tout fondement constitutionnel. Il sera dès lors difficile au Gouvernement de convaincre le peuple qu'il agira encore dans le respect de la Constitution. En tous les cas, la Constitution actuelle prendra un coup. Or, c'est ce que réclamait une grande partie du peuple qui exige depuis le 14 janvier d'instituer de nouveaux instruments en dehors de la Constitution actuelle de 1959. Il y aura là une nouvelle et grave occasion d'affrontement entre l'actuel Gouvernement et une grande partie du peuple.
De mon point de vue, il était plutôt urgent de préparer des élections législatives pour que les nouveaux et véritables représentants du peuple, ceux qui auront la légitimité des urnes, expression de la souveraineté populaire, discutent et déterminent la nature du nouveau régime politique. Or, la Commission semble oeuvrer pour la préparation, d'abord, de l'élection présidentielle au suffrage universel, ce qui est en soi une grave anticipation sur le choix de la nature du futur régime politique et une grave ingérence sur les attributions de la prochaine assemblée Constituante.
Pour toutes ces raisons, il me semble désormais impératif de se ressaisir, tant qu'il est encore temps, et fixer le cap selon le calendrier suivant :
- Agir par décret-loi pour la modification, dans le respect des délais de 60 jours de l'article 57, du code électoral, de la loi organisant les partis politiques et du code de la presse.
- Légaliser les partis politiques, au plus tard, dans les 30 jours du dépôt de leur demande (ce délai peut actuellement durer jusqu'à 4 mois, ce qui est un délai en inadéquation totale avec la situation actuelle).
- Ne pas trop se soucier de l'absence de la fonction de Président par intérim après le délai de 60 jours, puisque cette institution, la présidence de la république, aura effectué l'essentiel de sa mission : adopter par décret le nouveau cadre juridique permettant le déclenchement d'un nouveau processus politique et électoral dans le pays.
- Lancer la campagne électorale et préparer dans les meilleurs délais les conditions des élections législatives qui déboucheront sur une assemblée Constituante.
- Une fois l'assemblée Constituante installée, elle aura deux tâches : la première étant la formation d'un nouveau gouvernement autour du leader du parti ou de la coalition des partis majoritaires. C'est à ce gouvernement que reviendra alors la tâche de mettre en œuvre son programme politique pour lequel la majorité parlementaire aura été élue. La deuxième mission consistera dans l'établissement d'une nouvelle Constitution qui s'accordera, notamment, sur la nature du futur régime politique.
Ainsi, le Gouvernement intérimaire actuel aura été respectueux du cadre constitutionnel. De même, il aura évité de se compliquer la tâche en promettant monts et merveilles, alors qu'il n'a ni la légitimité, ni les moyens de le faire. Le Président par intérim aura accompli sa mission dans les délais impartis. La commission des réformes politiques aura accompli son devoir, à savoir créer dans les meilleurs délais le cadre juridique nécessaire pour le lancement du débat politique et de la campagne électorale dans les meilleurs conditions démocratiques tout en évitant de s'immiscer dans les attributions de la future assemblée Constituante, notamment dans le choix de la nature du futur régime politique. Enfin, un nouveau gouvernement, fort de sa légitimité, s'attellera à appliquer ses nouvelles réformes et son programme politique, pendant que l'assemblée Constituante aura également pour tâche d'établir une nouvelle Constitution.
La volonté du peuple sera ainsi respectée et le Gouvernement actuel aura contribué à réconcilier le peuple avec ses gouvernants. On aura également sauvé la Révolution des risques d'enlisement et des dérives anarchiques.


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