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Pour ou contre un Conseil de la protection de la Révolution ?
Publié dans Le Temps le 23 - 02 - 2011

Par Karim MISSAOUI Avocat à la Cour de cassation - Aujourd'hui, tout un chacun parmi nous ressent la grande et inquiétante fébrilité de la situation. Nous vivons une sorte de « dictature « des réclamations et nous constatons jour après jour l'installation de « l'égoïsme « chez certaines personnes. Bien évidemment, il ne s'agit nullement de critiquer des gens parce qu'ils présentent leurs légitimes doléances, surtout après des années de dictature et de censure.
Cependant, le déferlement d'un nombre incalculable de réclamations, parfois insensées et généralement de façon simultanée, constitue une démarche irresponsable et inefficace. D'ailleurs cette nouvelle forme de dictature et cet égoïsme inquiétant sont deux phénomènes aux antipodes de ce qui a caractérisé la Révolution tunisienne, à savoir le rejet de la dictature et ce que nous avons vécu lors des jours de la terreur, juste après le 14 janvier, c'est à dire un élan de solidarité sans précédent entre tous les citoyens. Face à la pression, le gouvernement actuel donne l'impression d'être embarrassé et réellement dépassé par les événements.
En réalité, cet embarras a des causes encore plus profondes. Il s'agit de la crise de confiance qui existe entre le peuple et ses gouvernants, depuis l'ancien régime, du manque de légitimité populaire, et enfin du manque de courage politique d'un certain nombre de dirigeants actuels, et ce, que ce soit par l'absence de dimension politique chez certains d'entre eux ou par calcul politique pour d'autres qui craignent l'effritement de leur popularité, voire de leur crédibilité auprès de l'opinion publique, surtout que l'on se dirige vers le lancement de la campagne électorale.
La fragilité de la situation actuelle et la vulnérabilité du gouvernement actuel ont conforté certains courants dans leur initiative de la création d'un conseil supérieur de la protection de la Révolution. Cette dernière initiative paraît théoriquement séduisante. Il s'agit de « sauvegarder « ou de « protéger « la Révolution. D'ailleurs, qui pourra oser aller à l'encontre d'un programme aussi séduisant et d'un objectif aussi noble ? Cependant, l'homme sage et surtout responsable ne doit pas adhérer aux idées seulement parce qu'elles sont séduisantes. Il doit d'abord se pencher sur leurs aspects pratiques et anticiper les problèmes qui peuvent en découler. Il m'a paru donc impérieux de poser la problématique de la création de ce séduisant « conseil de la protection de la Révolution «.
Deux interrogations me paraissent incontournables : pourquoi se pose-t-on la question de la création de ce conseil et quelles seraient les conséquences engendrées par son fonctionnement, surtout sous l'angle de l'appréciation de ses rapports avec l'actuel gouvernement ? 1. Quelles sont les raisons à l'origine de la demande de création du conseil de la protection de la révolution ? Deux données sont à analyser. La première est incontestablement celle de la légitimité. Il est clair que le gouvernement pâtit de l'absence de capital de confiance auprès surtout des mouvements parmi les plus actifs de la population. D'ailleurs, les choix stratégiques et politiques adoptés par le gouvernement ne sont pas étrangers aux problèmes qu'il rencontre. Certains courants influents ont bien compris la fébrilité du gouvernement actuel et le déficit de confiance qu'il traîne auprès d'un certain nombre de tunisiens.
Ils essayent alors de tirer profit de la situation en faisant adhérer à leur stratégie certaines organisations influentes de la société civile. Par ailleurs, il existe un deuxième événement qui apportera de l'eau dans le moulin à ces derniers. Je veux parler, bien évidemment, de l'expiration du mandat du président de la république par intérim après l'accomplissement des 60 jours prévus par l'article 57 de la Constitution. En effet, dés le 16 mars 2011, le pays connaîtra un vide institutionnel : la vacance au niveau de l'institution de la présidence de la République. Il est donc fort à parier que les courants qui militent pour l'instauration d'un conseil de la protection de la Révolution trouveront là un argument de taille pour imposer leur exigence. L'occasion est belle pour certains d'entrer par la grande porte et de peser sur le jeu politique et les rapports de force en présence. En somme, ils réclameront l'instauration de ce conseil en tant qu'organe se substituant à la présidence de la République. Ainsi, au lieu d'une personne physique, nous aurons un Exécutif collégial. La question qui se posera alors, hormis celle de la légitimité, est celle de la cohabitation ou l'articulation entre le rôle de cet organe et l'action du gouvernement actuel.
C'est la question des conséquences de la création de cet organe. 2. Les conséquences de la création et du fonctionnement du conseil de la protection de la Révolution, surtout à l'égard de l'action de l'actuel gouvernement. Autant le dire tout de suite. Il est fort à parier que cet organe se trouvera en position de « force « vis-à-vis du gouvernement, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, on retrouve encore une fois l'incontournable question de la légitimité. Pour les membres de cet organe, le conseil de la protection de la Révolution jouit de la légitimité populaire. Ce n'est pas le cas, à leurs yeux, du gouvernement actuel. En vérité cette légitimité du conseil n'est populaire que dans son apparence.
En tous les cas, ce qui est sûr est que cette légitimité, bien que populaire, n'est assurément pas démocratique. La seule légitimité populaire démocratique est celle issue des élections libres et transparentes. La seule légitimité populaire démocratique est celle des urnes. Or, les membres de ce conseil ne sont pas issus d'élections répondant aux normes civilisées de toute élection au suffrage universel. La légitimité de ce conseil de la protection de la révolution est donc objectivement écornée.
Elle n'est pas saine, car elle n'est pas démocratique. C'est en cela qu'elle est discutable. Le problème est que l'on peut en dire autant de l'actuel gouvernement. En vérité, la légitimité du premier ministre et de l'actuel gouvernement puise sa source de l'actuelle constitution et de la confusion qui a suivi la fuite du dictateur. L'actuel premier ministre a été en effet nommé par le dictateur en fuite. Il s'est vu par la suite « confirmé « à son poste par l'actuel président de la république par intérim, à la suite des errements survenus le soir du 14 janvier 2011 et de l'épisode du recours maladroit à l'article 56 de la Constitution. C'est ce qui explique, pour une partie, le relatif déficit de confiance qu'il traîne.
Ainsi, que ce soit le conseil de la protection de la Révolution ou l'actuel gouvernement, chacune de ces deux institutions ne dispose pas d'une légitimité incontestable. Et il y a là l'une des clés de la fragilité de la situation. Quoiqu'il en soit, le problème est qu'en pratique, le gouvernement actuel sera de fait comme orphelin, à partir du 16 mars 2011. L'organe institutionnel qui l'a nommé, à savoir le président de la république par intérim, disparaîtra. La présidence par intérim arrivera à son terme des 60 jours, le soir du 15 mars 2011. Il est donc assez vraisemblable que les artisans de la promotion du conseil de la protection de la Révolution sauteront sur cette occasion pour s'installer de fait dans les rouages officiels du pouvoir. Le conseil de la protection de la Révolution se verra alors à la place de l'institution de la présidence de la République. Autrement dit, il se positionnera à la tête de l'Exécutif ou à tout le moins en tant qu'autorité de contrôle de l'action du gouvernement et des trois commissions. Et c'est de là où pourrait provenir le danger. En effet, il est fort à parier que la coexistence de ce conseil de la protection de la Révolution avec l'actuel gouvernement constituera vraisemblablement une source de confrontations frontales entre ces deux institutions.
Le conseil de la protection de la Révolution essayera de « contrôler « l'action gouvernementale. Il n'est donc pas exclu qu'il sera en désaccord avec certaines décisions du gouvernement, certains agissements ou interventions de ses ministres, sans parler des propositions des commissions, particulièrement celle qui s'occupe des réformes politiques. N'oublions pas que le conseil de la protection de la Révolution se verrait dans le rôle de protecteur et contrôleur de la compatibilité de l'action gouvernementale avec les valeurs de la Révolution. C'est en tous les cas ce qu'il affiche comme prétention. Or, pour que ce conseil puisse « veiller « aux valeurs de la Révolution et « contrôler « l'action et les décisions du gouvernement au regard justement de ces « valeurs « de la Révolution, encore faut-il définir au préalable ces valeurs et déterminer leur portée. Aussi, la question qui se posera en cas de conflits entre ce conseil et le gouvernement sera la suivante : qui aura le dernier mot ? Quelle est la position qui primera sur l'autre ? Celle du conseil de la protection de la Révolution ou celle émanant du gouvernement ? Et quel est l'organe qui sera habilité à arbitrer la situation en cas de blocage ? En principe, dans un Etat de droit, les rapports et éventuels conflits entre les institutions de l'Etat sont réglés par des normes juridiques préalablement déterminées à la tête desquelles se trouve la Constitution. Or, tout le monde l'aura compris. En l'espèce, nous serons en présence d'un vide juridique. La raison est simple. Par hypothèse, le conseil de la protection de la Révolution n'est pas un organe prévu dans la Constitution. Aussi, les rapports de ce conseil de la protection de la Révolution avec le gouvernement actuel ne seront régis par aucune norme juridique ... Et c'est de là que proviendra le danger, car il n'existe pas de solution juridique qui régira de façon pacifique les potentiels futurs conflits entre ces deux organes.
Comment se dénueront alors ces conflits ? Tout dépendra de la sagesse et du sens de l'intérêt général des personnes qui auront la responsabilité de siéger à ce conseil de la protection de la Révolution, comme de ceux qui font partie du gouvernement et des commissions. Nul ne saurait donc se prononcer sur les chances de viabilité de la cohabitation entre le conseil de la protection de la Révolution et le gouvernement actuel. Et aucune personne sensée n'osera s'aventurer pour prévoir nos lendemains ... A mon humble avis, à l'état actuel des données, la cohabitation entre ces deux organes est difficilement viable. En fait, chacun de ces deux organes tient sa légitimité d'une source qui lui est propre. Et il est particulièrement hasardeux de se prononcer sur la primauté de l'une sur l'autre.
De même, le gouvernement est composé essentiellement de technocrates. Le conseil de la protection de la Révolution serait composé plutôt par des gens de la société civile et éventuellement accompagnés par des personnalités ayant des ambitions politiques. Le gouvernement aura la tâche la plus compliquée, puisqu'il gère le quotidien des multiples problèmes et revendications, alors que le conseil aura le rôle du contrôleur et du censeur. C'est pour toutes ces raisons que je reste, en principe, sceptique quant aux chances de succès de cette initiative, en l'absence de nouveaux mécanismes clairs et transparents qui aménageront les conditions de la collaboration ou de la cohabitation entre le gouvernement et le conseil de la protection de la Révolution. Finalement, nous serons vraisemblablement en présence de trois hypothèses: - Soit le gouvernement continu à gouverner seul en se référant à la légitimité de la Constitution actuelle. Il me semble que cette hypothèse est difficilement tenable, surtout à partir du 16 mars 2011, date de la fin du mandat du président par intérim et de la vacance de cette institution. Cette situation sera difficilement tenable par le gouvernement actuel devant les revendications du conseil de la protection de la Révolution qui dispose d'une « arme « de choix : les groupes les plus actifs sur le terrain … ; - Soit le conseil de la protection de la Révolution s'installe en dehors du cadre constitutionnel actuel. Le gouvernement actuel sera alors acculé à démissionner. Cette hypothèse ouvrirait la voie à l'installation d'une éventuelle nouvelle dictature. Car, tous ceux qui oseront critiquer l'action de ce conseil de la protection de la Révolution seront qualifiés de contre révolutionnaire. C'est alors l'instauration d'une nouvelle étape d'une autre nature qui débouchera sur une nouvelle Tunisie. C'est exactement ce qui s'est passé en France lors de ce que l'on a appelé les années de la terreur et de la dictature du comité de salut public, au lendemain de la révolution française de 1789. C'était en France et au 18ème siècle.
Nous sommes au 21ème siècle et en Tunisie. Il est de notre devoir de ne pas commettre les erreurs des autres, surtout que nous en avons les moyens. - Soit le gouvernement accepte de faire participer le conseil de la protection de la Révolution à certaines décisions, selon un mécanisme qui reste à déterminer. Et c'est de la fiabilité de ce mécanisme et de la bonne volonté des personnes concernées que dépendra le succès de l'après-Révolution de notre cher pays et l'avenir de nos destins.


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