La Tunisie était l'invitée d'honneur de l'édition 2011 du Maghreb des livres qui s'est tenu du 5 au 6 février à l'Hôtel de Ville. La révolution tunisienne est venue bousculer la programmation arrêtée de longue date. Une rencontre improvisée sur le thème de « la parole retrouvée » a permis d'évoquer le combat des Tunisiens contre le régime honni de Ben Ali. Le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, l'un des parrains du Salon du livre, a annoncé qu'il avait l'intention de nommer un lieu parisien « Mohamed Bouazizi , symbole du combat des Tunisiens pour la démocratie, la justice et la liberté ». L'invitée d'honneur du Maghreb des Livres cette année était la Tunisie, selon une rotation triennale qui permet à chaque édition de mettre l'accent sur l'un des trois pays de la région. C'est un heureux hasard du calendrier compte tenu de l'actualité tunisienne. Toute l'habileté des organisateurs a consisté à évoquer cette actualité, sans pour autant bousculer la programmation prévue de longue date. Les écrivains tunisiens étaient présents en nombre à la manifestation. En tout, 29 auteurs tunisiens ou originaires de la Tunisie étaient invités dont Ali Bécheur, Tahar Bekri, Sophie Bessis, Chochana Boukhobza, Moncef Ghacem, Alia Mabrouk, Albert Memmi, Cécile Oumhani, Fawzia Zouari, pour ne citer que les plus connus. Ces écrivains ont participé aux différentes rencontres thématiques et au rituel de dédicace qui s'est déroulé dans l'espace librairie de la manifestation. Ils ont surtout été beaucoup mis à contribution pour parler de la nouvelle donne tunisienne depuis la révolution du 14 janvier qui a changé le regard qu'on porte sur ce pays. Pour eux tous, une nouvelle Tunisie est née, mais tout reste à faire pour transformer les acquis de cette révolution en des institutions pérennes qui seules pourront garantir la naissance d'une démocratie vibrante, à la hauteur des aspirations de notre peuple. La révolution tunisienne a été plus particulièrement le thème de la rencontre improvisée, mais sans doute la plus courue de tout le festival. « Ce qui vient de se passer en Tunisie est extraordinaire. Dans ce forum consacré au Maghreb et en particulier à la Tunisie cette année, on ne pouvait pas ne pas évoquer la révolution du 14 janvier, compte tenu des conséquences qu'elle a eu sur la vie en Tunisie et sur l'ensemble du monde arabe, en général », a expliqué Georges Morin, en présentant cette rencontre intitulée «Tunisie, la parole retrouvée». Les intellectuels ont pris le train en marche La salle était pleine à craquer. L'atmosphère électrique. Les Maghrébins de Paris mais aussi les curieux, toutes origines confondues, étaient venus écouter les témoignages des intellectuels et des écrivains sur ces semaines révolutionnaires historiques qui ont chassé du pouvoir un dictateur et ont redonné la parole au peuple. « C'est une révolution réellement populaire et spontanée, réalisée par la jeunesse tunisienne, a affirmé le professeur Mahmoud Ben Romdhane, universitaire éminent et ancien président mondial d'Amnesty International. Nous les intellectuels, nous avons pris le train en marche. Certes, tout au long des années, les intellectuels ont tenté de tirer la sonnette d'alarme, mais ils n'ont jamais eu le courage d'aller jusqu'au bout de leur logique. Ce courage, ce sont les jeunes qui l'ont eu, qui ont montré le chemin aux plus vieux. » Facebook était le seul espace de liberté Comment la jeunesse s'y est-elle prise ? Pourquoi ce sont les jeunes qui ont pris les choses en main ? Avec quels moyens ? Les éclairages sur ces questions ont été proposés par deux jeunes Tunisiens qui entouraient le professeur Romdhane et qui ont participé aux événements de janvier sur place. Ils ont rappelé les deux événements décisifs : l'immolation par le feu le 17 décembre dernier de Mohamed Bouazizi qui a ouvert la vanne des frustrations et la manifestation du 14 janvier qui a mis en fuite Ben Ali. Entre ces deux dates, la jeunesse tunisienne, celle de l'ère de l'Internet et de Facebook, a tissé sa toile, montrant sur le web les brutalités policières, appelant à la mobilisation par le biais de twitter. On sait aujourd'hui le rôle que les réseaux sociaux ont joué dans l'organisation et la canalisation du soulèvement populaire en Tunisie, mais les jeunes révolutionnaires invités à l'Hôtel de Ville ont expliqué comment depuis plusieurs mois les milliers d'internautes actifs tunisiens, y compris ceux de la diaspora, communiquent, s'informent et débattent sur la situation du pays, sans pour autant imaginer que leur prise de conscience par réseaux sociaux interposés pourrait un jour déboucher sur un changement de régime. « Facebook était le seul espace de liberté que les Tunisiens possédaient dans cette société quadrillée par la police et les nervis du régime », a expliqué l'un d'eux. La nuit était encore jeune quand le Maire a annoncé qu'il avait l'intention de nommer un lieu parisien « Mohamed Bouazizi , symbole du combat des Tunisiens pour la démocratie, la justice et la liberté ». (RFI)