*Quand on réclame la mort de Mohamed Ghannouchi, on joue le jeu des ennemis de la Révolution - Pratiquement, tous ceux qui étaient publiquement intervenus, ces dernières 48 heures, à tous les niveaux, à travers les médias tunisiens, ont été unanimes à condamner le dérapage médiatique enregistré, samedi soir 26 février, dans un plateau de la première chaîne de la télévision tunisienne, au cours duquel, un jeune homme s'est érigé en juge suprême par la volonté d'on ne sait qui et a réclamé la mort de M. Mohamed Ghannouchi, Premier ministre sortant, et ce avec la bénédiction de la journaliste de la télévision qui n'a pas eu le professionnalisme nécessaire pour le rappeler à l'ordre. A l'heure même où ce jeune homme croyait être autorisé à dire n'importe quoi, au nom de la Révolution, le centre de Tunis et la ville de Kasserine étaient mis à sac et pillés par des groupes d'individus payés avec de l'argent comptant pour semer le désordre, comme il a été établi, ensuite, par la police. Le pire est que la ville de Kasserine a été livrée au pillage, à la suite d'une rumeur délibérément propagée sur une soi-disant décision du gouvernement provisoire tendant à doter la ville de Gafsa d'un hôpital universitaire. Dans leurs interventions, beaucoup de citoyens ont dénoncé tous ceux qui font monter les surenchères, notant que par cette attitude, « les révolutionnaires extrémistes et les radicaux de gauche se sont trouvés dans le même fossé que les ennemis de la Révolution, qui cherchent à saper le processus démocratique révolutionnaire, par tous les moyens ». Plusieurs voix se sont élevées pour stigmatiser la monopolisation de la parole par les mêmes orateurs « qui cachent mal leur opportunisme derrière des discours enflammés », aidés inconsciemment par des journalistes sincères « abusés par le nouveau discours qu'ils entendaient pour la première fois » après des décennies de censure étouffante. Un politologue a rappelé, à cet égard, les propos de l'un des grands révolutionnaires de l'histoire humaine, le dirigeant bolchévique Lénine qualifiant le gauchisme de « maladie infantile », et dans sa pensée, le gauchisme désigne le radicalisme et l'extrémisme. En annonçant sa démission, M. Mohamed Ghannouchi a rejeté une part de responsabilité sur la majorité silencieuse qui n'a pas encore osé dire ce qu'elle pense et exprimer ouvertement sa volonté, comme les autres blocs. A cet égard, a noté le politologue signalé, contrairement aux démocraties occidentales modernes, la civilisation arabe et islamique a développé une idée active de la majorité silencieuse, sous la désignation de « phalange muette » (katiba kharsa). Les auteurs arabes classiques utilisaient la notion de phalange muette pour désigner les partisans actifs d'une tendance politique, tenus de cacher leur opinion sous les gouvernements d'adversaires politiques despotiques, mais prêts à manifester leur volonté au moment opportun et favorable. Aujourd'hui, en Tunisie, grâce à la Révolution, le moment opportun et favorable est venu pour que toutes les tendances et tous les groupes, y compris la majorité silencieuse, disent et expriment ouvertement leurs opinions et leurs points de vue, en attendant de le confirmer lors des prochaines et premières élections libres et démocratiques du pays.