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Pédagogue
Courrier des internautes
Publié dans Le Temps le 11 - 03 - 2011

Quelle démocratie dans la Tunisie de demain Ni la démocratie libérale, ni l'intégrisme, ni un gouvernement militaire, ni des partis politiques du centre et de l'extrême droite, pourront répondre à la demande du peuple tunisien. Ce n'est que la démocratie citoyenne, basée sur le respect des droits de l'homme et la proportionnalité entre droits et devoir qui pourra faire sortir la Tunisie de l'impasse qui a été créé par le despotisme et la déification de nos chefs d'Etat.
La Tunisie connait aujourd'hui une situation très particulière. Depuis le XV siècle, la Tunisie était toujours occupée par une force externe. L'empire ottomane n'a fait de la Tunisie qu'un proie facile pour l'occupation française en 1881. On est donc, déjà depuis 510 ans occupé. La révolution, entamée d'abord par les jeunes, les plus-démunies et par la suite renforcée par la bourgeoisie et la classe moyenne, a mis fin à une situation très paradoxale. Paradoxale parce que la Tunisie a eu l'occasion après l'indépendance de vivre une démocratie à l'occidentale. Bourguiba a obtenu en 1927 respectivement une licence en droit et le diplôme supérieur d'études politiques à l'Ecole Libre des sciences politiques de la Sorbonne ; il est devenu avocat aux barreaux à Tunis. Déjà en 1932, Bourguiba prônait dans le premier numéro du journal l'Action Tunisienne la laïcité mais le journal a été suspendu le 31 mai 1933 par le Bey régnant. Bourguiba incarnait donc tous les ingrédients de base pour faire de la Tunisie un pays démocratique et libre de pensées. Je ne suis pas bourguibiste, mais je suis tout à fait reconnaissant de ce qu'il a fait pour la Tunisie et en particulier pour les femmes. Déjà en 1956, Bourguiba comme premier ministre sous la tutelle beylicale a promulgué le Code du statut du Personnel qui entre en vigueur en 1957 visant ainsi l'instauration de l'égalité entre hommes et femmes dans nombreux domaines. La femme a obtenu en général et en particulier dans le monde arabe une place inédite. L'abolition de la polygamie, la création une procédure judiciaire pour le divorce et l'autorisation du mariage qu'après un consentement mutuel entre les deux époux et par après l'utilisation des méthodes de la planification familiale, forment toute une révolution de la condition de la femme. C'est ce dernier acte, l'utilisation des moyens de contraception qui a donné les chances à la femme pour s'épanouir et devenir professeur, médecin, avocate, ministre, etc.. La réduction du nombre d'enfants a aussi diminué les chances de décès des femmes. Tous ces efforts restent cependant un peu limités par la prépondérance d'un conservatisme tribal masculin, en particulier dans les campagnes, et l'influence de la montée de l'islamisme politique à partir des années 1980. Bourguiba a eu donc tout les moyens (ses connaissances scientifiques, son séjour dans une université libérale, son job comme avocat, ses amitiés avec le général De Gaule, etc.) pour faire de la Tunisie un model démocratique laïque avec séparation des pouvoirs, séparation entre l'Etat et le culte, l'autorisation du multipartisme politique, l'organisation d'élections législatives démocratiques, l'élection des membres du conseil des représentants et la nomination démocratiques des ministres par consensus entre les partis politiques en coalition, etc. Bourguiba avait toutes les chances pour ouvrir le pays aux slogans de la Révolution Française comme il l'a vécue durant son séjour en France et par le biais de son mariage avec première femme française Mathilde. Il a eu la chance de donner une leçon en démocratie à son peuple, tous les pays du monde arabe et même d'au-delà. A sa destitution par Ben Ali en 1987, la Tunisie n'était qu'un fantôme de la démocratie. La démocratie n'est donc ni tomates, ni pommes de terre qu'on pèse, qu'on les paye let qu'on les approprie. Non, la démocratie est un processus et pourra se comparer avec un bébé. La vie d'un bébé commence à la conception. Durant cette période, une grande angoisse s'installe car le risque d'une fausse couche est présent. Après la naissance, le bébé sera soumis à un processus de « coaching ». Il/elle devra être nourri(e), blanchi(e), soigné(e), parfumé(e)(e) selon la tradition ou selon des moyens modernes, éduqué(e), etc. Le chemin de l'éducation d'un enfant ne s'arrêtera jamais, même si il/elle est devenu( e), majeur (e). La démocratie est un processus similaire et interminable. Le peuple tunisien n'a jamais été élevé dans cette tradition. Chacun de nous, y compris nos parents, essaye par ces propres intuitions d'être démocrate pour appliquer ce qu'on appelle « el-adl, al-adala wa-el-mousawaat» ou l'égalité des droits et des devoirs, entre ses enfants, ses parents, voisins, amis, etc.. Nous sortons aujourd'hui d'une longue période de gouvernements absolutistes où le peuple n'avait rien à dire, quoique beaucoup de tunisiens avaient rêvé de vivre un monde ouvert, moderne, organisée avec une proportionnalité entre droits et devoirs. La démocratie est aussi un moyen de responsabilisation. Elle met en proportionnalité équivalente les droits et les devoirs, bases fondamentale d'une citoyenneté à part entière. Je pense que le moment est parvenu pour faire de la Tunisie un model démocratique à suivre dans tous les pays arabe et même ailleurs. La révolution des jeunes a démenti tous ceux qui ont toujours prôné l'idée que la démocratie est un enfant occidental, un modèle universel qu'on pourra l'exporter et l'implémenter partout, même avec la force comme dans le cas de l'Irak ou l'Afghanistan. Non, le peuple tunisien, et par la suite nos frères égyptiens et libyens, sans compter ceux qui suivront encore, ont montré encore une fois qu'ils sont capables de lutter d'une façon pacifique et mettre même leur vivre en péril pour vivre librement et fonder leur propre démocratie. Il faut cependant rappeler que la démocratie tunisienne ne devra jamais être « une copie collée » de la démocratie occidentale. Je lisais monsieur un article de monsieur Guezmir dans Le Temps du 7 et du 11 mars 2011 qui propose que la Tunisie devra s'atteler à la démocratie libérale occidentale, pacifique et créatrice de progrès, de dignité et de joie de vivre. La démocratie libérale occidentale n'est faite en sept jours. L'exercice de la démocratie occidentale s'effectue depuis la révolution française et pourtant elle est loin d'être une démocratie parfaite. La démocratie est le régime politique, ou plus largement, un corpus de principes philosophiques et politiques dans lequel le peuple est souverain et élit gouvernants. La démocratie n'est pas seulement politique. Elle est aussi sociale et civile. La démocratie sociale est celle qui donne à tous les citoyens d'un pays le droit d'accéder à la citoyenneté à part entière, sans tenir compte de la couleur, de l'origine ethnique, religieuse, ni du gender (sexe), ni de la position socio-économique, ni de l'orientation sexuelle et philosophique. Or les démocraties libérales occidentales souffrent aujourd'hui d'un grand déficit démocratique. Je vis cette démocratie tous les jours comme immigré. La démocratie occidentale ne donne la citoyenneté à tous le monde. Pour accéder aux droits, il faut être citoyen de souche et possédant la nationalité laquelle repose sur le lien « jus sanguinis », donc le lien de sang. Ce qui veut dire qui est la règle de droit accordant aux enfants la nationalité de leurs parents. Cette notion s'oppose à celle de droit du sol (jus soli dans sa version latine) qui accorde à l'enfant la nationalité du territoire où il naît, indépendamment de la nationalité de ses parents. Les immigrés par exemple, même s'ils se naturalisent restent toujours des citoyens de deuxième ou troisième degrés. Les discriminations et le racisme sur le marché de l'emploi, du logement, etc. empêchent aujourd'hui beaucoup d'immigrés de participer pleinement à la vie active. Quoiqu'elle est pour l'égalité et la liberté, la démocratie libérale ne garantit aujourd'hui aucune sécurité, ni sociale, ni économique, ni citoyenne pour tous ses citoyens, même ceux de souche. Le taux de la population européenne qui vit au dessous du seuil de pauvreté (avec un revenu mensuel au dessous de 980€ par mois) a dépassé dans certains pays et villes les 20%. Même ceux qui travaillent ne sont pas immunisés contre ce danger. 8% des travailleurs occupés belges sont guettés par la pauvreté financière, en particulier les femmes, les bas scolarisés, les étrangers, les jeunes, etc. Une autre pauvreté à cause du libéralisme poussé à outrance est et sera la dégradation de l'environnement à tous les nivraux. La Tunisie a besoin d'une démocratie citoyenne qui offre à ces citoyens les garanties pour mener une vie décente avec sécurisation contre les maladies, et d'avoir une pension à la vieillesse pour subvenir aux besoins qui ne cesseront d'augmenter avec l'âge, etc. L'analyse des pensions en Tunisie montrent aujourd'hui qu'elles n'ont pas suivi le niveau de vie. Le plus grand problème auquel la Tunisie se confrontera dans les décennies à venir est celui de la majorité sans pensions. La majorité n'avait pas un travail fixe et n'a pas cotisé à la Caisse nationale de sécurité Sociale pour recevoir une pension. Enfin la démocratie que la Tunisie devra avoir est celle qui tiendra compte de l'utilisation des ressources humaines et naturelles. Dans le premier cas, une solution devra être trouvée pour lutter contre la parte de matière grise au profit de l'occident, au chômage de plus en plus abondant. Dans le deuxième cas, la Tunisie de demain devra rationaliser au maximum ses ressources naturelles comme l'utilisation de l'eau, réglementer la pêche et sauvegarder l'environnement par le biais de la lutte contre les pollutions de la mer et de la nappe phréatique. Cette démocratie devra rallier la démocratie politique à la démocratie scientifique. Mettre la science au service de l'Etat nation est le devoir de toutes les universités tunisienne. Pour commencer, il faut mener une étude de grande envergure sur le problème de la pauvreté et l'exclusion sociale. La Tunisie a évolué ces dernières 3 0 ans à une double ou triple vitesse. La frange côtière a attiré tous les investissements nationaux et internationaux, alors que la Tunisie rurale (majoritaire) ne cessait d'accumuler un retard considérable sur tous les plans. Réduire l'écart entre ces régions doit passer par l'application d'une démocratie citoyenne et sociale, chose qui a été mise à l'écart par toutes les
démocraties libérales occidentales. Youssef Ben Abdeljelil Géographe-historien Ancien chercheur de l'Unité de Recherches Pauvreté, Exclusion Sociale et Villes de l'Université d'Anvers, Belgique Asinus Firinusi [email protected]
Lien vers l'article : http://www.letemps.com.tn/article-53907-11032011.html


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