Par Hechmi GHACHEM - Deux choses à retenir : l'humour créatif des Tunisiens depuis qu'ils ont cassé leur bride et la haine qu'ils éprouvent à l'égard du tristement célèbre RCD, ce regroupement de mafieux qui les a asservis durant ces vingt trois ans de répression et de muselage. Cela se passe dans une grande rue du Djérid (peut être l'avenue principale) un rassemblement gigantesque des gens portant un cercueil. Visiblement un enterrement donc. Aucun doute là-dessus ! Mais quelle est cette personnalité qui vient de mourir et qui est capable de réunir un nombre aussi important de gens pour son inhumation ? Etrange cortège ! D'autant que si les chants funèbres ressemblent à s'y méprendre aux originaux, les paroles sont légèrement détournées de leur sens habituel qui est celui de louer les mérites du défunt et d'implorer Dieu pour que son âme repose en paix. Rien de tout cela. On prend, à chaque fois, du plaisir à ajouter une formule de négation aux textes usuels. Ce défunt est, à coup sûr, viscéralement haï par ceux qui l'enterrent puisqu'ils souhaitent que son âme soit maudite et qu'elle ne connaisse jamais la paix. Quand ils le citent ils évitent de prononcer son nom mais ils lui collent à chaque fois des adjectifs peu reluisants : le voleur, le suceur de sang des pauvres, le mouchard, le tortionnaire, la sale fripouille et j'en passe… Le cortège pénètre avec son cercueil dans une bâtisse où de grandes traces d'incendie persistent encore. L'ancien siège du RCD dont les « psalmodieurs » de cette parodie d'enterrement continuent à éviter de prononcer le nom comme s'ils avaient peur que cela ne salisse leur langue ou leur âme. Ensuite le cercueil est déposé à terre, sans ménagement, aucun. Les gens commencent à tourner autour comme des charognards autour de la dépouille d'un animal mort. Ils continuent à crier, encore et toujours, leur haine, leur mépris envers cet étrange défunt tout en exprimant leur soulagement et leur joie du fait qu'il soit bel et bien mort. C'est terrifiant ce que ce parti fantoche a pu engendrer comme haine dans le cœur d'un peuple généralement connu pour un penchant très appuyé pour la paix et le pardon ! Même quand le colonialisme a été bouté hors du pays, on n'a pas assisté à de tels spectacles nécrophiles. Il y a eu certes des scènes d'allégresse avec des cris de joie et des chants patriotiques mais ni le peuple ni ses gouvernants de l'époque ne sont allés aussi loin dans l'expression de leur rancune et, pourtant, ce n'était pas le manque de raisons à un tel sentiment qui a bloqué ce genre de défoulement haineux et revanchard. Le mort en a eu pour son grade…qui était celui d'une pourriture bas de gamme, d'une association de malfaiteurs qui a engendré une vague de représailles sans limites chez une population qui a vécu sous l'une des pires des dictatures de ce début de millénaire. Mais au fait qui est décédé ? Celui qui décidait : Le tristement célèbre RCD.