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Légendes d'automne
Le mensuel de La Presse : Automnes… Le chemin des rentrées
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 09 - 2010


Par Aymen HACEN
Etymologie : les origines d'un mot à double sens
Du latin autumnus ou auctumnus, le mot automne vient d'augeo, qui veut dire augmenter, et il a par conséquent la même racine que auctor, auteur. Autumnus signifie donc la saison qui est augmentée, enrichie, par le gain qui est le temps de la récolte. Automne et auteur, même racine ! Rien n'est moins étonnant, l'automne, pour nous, habitants des régions tempérées (les régions tropicales et équatoriales l'ignorant totalement puisque deux saisons, l'une sèche et l'autre humide, se partagent l'année) étant une réelle transition entre l'été et l'hiver ; c'est surtout le moment de toutes les maturités : des dernières récoltes aux vendanges, ce qui étaye cette sage note de Joseph Joubert, le meilleur ami de Chateaubriand, qui écrit dans ses Carnets : «J'ai parcouru la terre et je n'ai rien trouvé de meilleur que le blé et le vin pour la nourriture de l'homme.»
Mais, de l'idée de «récolte», appuyée par le rapprochement avec «augere», on est passé à celle de «déclin», avec les sens figurés qui tirent leur origine de manifestations on ne peut plus physiques dont les changements de lumière, la montée des brouillards, les pluies, la chute des feuilles, lesquelles manifestations sont associées à la mélancolie comme l'exprime Chateaubriand dans Mémoires d'outre-tombe : «Un caractère moral s'attache aux scènes de l'automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s'affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.»
Oui, une bonne part des thèmes, voire de l'imaginaire lié à l'automne sont exprimés dans le petit extrait précédent. Thèmes et imaginaire longuement développés par les Romantiques français, bien que ces derniers aient été devancés par leurs voisins allemands et britanniques. Friedrich Hölderlin (1770-1843) a développé le double sens de l'étymologie du mot « automne » : voyance créatrice et moisson poétique en regard ou bien en présence de l'implacable mort.
Automne
Ces légendes (qui s'éloignent de notre terre)
De l'Esprit qui fut et qui s'en revient,
Elles se tournent vers les hommes, et le temps
Si vite consumé nous apprend maintes choses.
La Nature garde en mémoire les images
Du passé mort, et quand pâlissent les journées
D'arrirère-été, l'automne alors descend sur terre
Et l'esprit des Voyants hante à nouveau le ciel.
En peu de temps beaucoup de choses ont pris fin.
Le paysan qu'on aperçoit à la charrue
Vers sa joyeuse fin voit se pencher l'année‑;
Le jour humain s'achève en de telles images.
L'orbe des terres et ses roches en décor
N'est pas comme la nue, au soir, qui va s'éteindre :
Le voici qui paraît dans l'éclat d'un jour d'or,
Et la perfection règne sans une plainte.
(Traduction de Gustave Roud)
Le poète anglais John Keats (1795-1821) a réussi quant à lui, dans un célèbre poème, «Ode à l'automne» qui a sûrement inspiré ses prédécesseurs français et américains, entre autres Baudelaire et Poe, à donner à l'automne la valeur moderne que nous lui savons, du moins en Occident, celle de la rêverie romantique dans toute sa grandeur qui, pourtant, se fonde sur le déclin :
Saison de brumes et de fruits emplis de tendresse,
si proche amie du soleil mature;
et complotant avec lui à alourdir et bénir
de fruits les vignes qui courent autour des toits de chaumes;
à faire ployer sous les pommes les arbres moussus des chaumières;
et emplir jusqu'au cœur tous les fruits de leur mûrissement;
Et faire se gonfler les courges, et arrondir les coques des noisettes
avec un doux noyau; à faire bourgeonner tant et plus,
Et toujours plus, pour que viennent des fleurs tardives pour les abeilles,
Jusqu'à ce qu'elles pensent que jamais ne s'arrêtent les jours chauds,
Car l'été a rempli à ras bord leurs moites alvéoles.
(Traduction d'Alain Suied)
Cet imaginaire romantique, ainsi véhiculé par deux de ses plus grands représentants européens, s'est vite transformé en leitmotiv universel. Contamination ou inspiration oblige, l'automne a incontestablement pris une tournure autre, celle qui dicte à des poètes et écrivains des tropiques et de l'équateur des métaphores nées dans d'autres latitudes. Comme dans le poème qui suit, l'un des chantres de la négritude, Léopold Sédar Senghor, qui pourtant a déclaré : «J'écris d'abord pour mon peuple. Et celui-ci sait qu'une kôra n'est pas une harpe non plus qu'un balafong un piano. Au reste, c'est en touchant les Africains de langue française que nous toucherons mieux les Français et, par-delà mers et frontières, les autres hommes», use d'une image insolite, celle de «l'odeur d'automne», faisant pour ainsi dire d'une pierre deux coups. Si, d'une part, le poète reprend à son compte la métaphore de l'automne en l'inscrivant comme beaucoup de ses prédécesseurs dans un cadre où les sens (en l'occurrence l'odorat) se «régénèrent» à l'occasion des moissons et des parfums de fruits propres à cette saison, il insuffle d'autre part un nouveau souffle à cette métaphore en l'inscrivant dans un cadre neuf et par là même novateur, celui d'une saison imaginaire, inexistante même, ce qui en renforce la valeur poétique.
Régénération
Sous le pagne lisse du ciel d'été,
Le soleil a saccagé
Le velours vert des jours d'enfance.
Et les grêles, les orages
Ont déchaîné la fureur de leurs bandes barbares,
Dans la plaine où soupire le silence
Affaissé, les cigales tout ivres de sang
Trompètent mes défaites,
Qu'ils dorment les morts d'hier !
Dans tes yeux de fraîcheur et d'aube,
Parfumés de l'odeur d'automne,
A reverdi mon idéal régénéré,
Je veux, sous les étendards de tes cils, bercé
Par la flûte matinale des pelouses tendres,
Dormir en attendant quel grand réveil sanglant‑!
(Poèmes perdus)
Célébrations automnales
Ce qui en revanche nous semble étonnant, c'est que l'adjectif « automnal » est, dans le génie de la langue française, imprégné métaphoriquement d'une charge, disons, négative. «Qui évoque l'automne, la mélancolie de cette saison» est pour le commun des mortels forcément négatif, pour ne pas dire maladif. Comme si en fin de compte le côté artistique propre à la mélancolie était dans ce cas tu ou ignoré. Comme si l'automne ne signifiait plus que déclin, décadence, mort. Ne parle-t-on pas de «l'automne de la vie» et de «l'automne de l'amour » comme de vraies catastrophes ? Et la littérature en général et la poésie en particulier d'accentuer cette méprise à l'égard de l'automne. Maints poèmes y contribuent, et nous pouvons citer, entre autres, « L'Automne» d'Alphonse de Lamartine (1790-1869), «Chanson d'automne» de Victor Hugo (1802-1885), « Ce que disent les hirondelles : chanson d'automne» de Théophile Gauthier (1811-1872), «Chanson d'automne» de Paul Verlaine (1844-1896), «Feuilles d'automne» de Jean Moréas (1856-1910), «Automne malade » de Guillaume Apollinaire (1880-1918). Lisons à titre d'exemple Moréas, le moins connu des poètes énumérés‑:
Feuilles d'automne
Va-t-on songer à l'automne
A l'aquilon détesté
Quand la lumière environne
La vie et le fier été !
De l'arbre au profond feuillage
Des parterres du jardin
La brise tire un langage
D'allégresse et de dédain.
Vous qui passez sur la route
Saouls de la sève des bois,
Chantez ! Riez ! Moi j'écoute
En secret une autre voix :
Qui soupire de la sorte ?
O mon âme, n'est-ce pas
Une branche déjà morte
Qui vient de parler tout bas.
L'automne, tel qu'il est évoqué dans ce qui précède, ainsi que dans tous les poèmes énumérés, semble aller de pair avec le lyrisme. Certes il s'agit d'un lyrisme qui, par l'élan poétique, chante et célèbre la vie, mais il n'en demeure pas moins un lyrisme de l'épanchement, de la plainte, des larmes et des pleurs, ce qui en fait un lyrisme élégiaque. Comme dans « Chant d'automne » de Charles Baudelaire (1821-1867), où la métaphore de l'automne annonce le zénith du romantisme et les prémices du symbolisme :
Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.
J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
II me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? – C'était hier l'été ; voici l'automne‑!
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
ans entrer dans les détails, nous pouvons aisément lire dans la première strophe l'omniprésence de la mort annoncée par les substantifs «ténèbres», «adieu», «chocs» et les adjectifs «froides», «courts» et «funèbres». La mort ici a nom hiver, mais l'hiver est annoncé par l'automne qui, lui aussi, est menaçant dans la mesure où il contient un vague souvenir de l'été et annonce non sans appréhension l'hiver. C'est ce double caractère de l'automne, celui de successeur au bonheur estival et d'annonciateur du malheur hivernal, qui le dessert doublement. De même, Baudelaire parle de «choc monotone». Cette métaphore, qui prolonge celle de la troisième strophe, c'est-à-dire «les coups du bélier», révèle aussi la monotonie de l'automne. Ainsi, au lieu de louer cette longueur propice à l'écriture, le poète s'en plaint, peut-être parce qu'elle a lieu en présence de la mort incarnée par le «cercueil». «Chant d'automne» préfigure un sonnet de Jules Laforgue (1860-1887), «Les après-midi d'automne» :
Oh ! les après-midi solitaires d'automne ! 
II neige à tout jamais. On tousse. On n'a personne. 
Un piano voisin joue un air monotone ; 
Et, songeant au passé béni, triste, on tisonne.
Comme la vie est triste ! Et triste aussi mon sort. 
Seul, sans amour, sans gloire ! et la peur de la mort ! 
Et la peur de la vie, aussi ! Suis-je assez fort‑? 
Je voudrais être enfant, avoir ma mère encor.
Oui, celle dont on est le pauvre aimé, l'idole, 
Celle qui, toujours prête, ici-bas nous console‑!... 
Maman ! Maman ! Oh ! comme à présent, loin de tous,
Je mettrais follement mon front dans ses genoux, 
Et je resterais là, sans dire une parole, 
À pleurer jusqu'au soir, tant ce serait trop doux.
À première vue, ce poème est à bien des égards baudelairien, néanmoins l'emphase d'un côté et l'accumulation des déconstructions syntaxiques de l'autre, justifient une lecture au second degré, une lecture permettant de distinguer l'ironie latente de Jules Laforgue qui, à l'instar des poètes décadents, use de cette technique troublante.
Quoi qu'il en soit, « Les après-midi d'automne » est une prestigieuse synthèse des thèmes et des métaphores automnaux. Ironique ou non, ce poème est, comme tous les autres portant sur l'automne, une pièce de plus permettant de constituer le puzzle d'une saison que le nom, les attributs et attributions assimilent à une légende en mouvement. Une légende qui ne cesse de grandir d'une année à l'autre.


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