Comment faire perdurer la danse une fois qu'un chorégraphe a disparu, et que sa compagnie est dissoute ? De multiples créateurs se posent la question au long de leur carrière, leurs amis et collègues devant trouver une nécessaire solution au moment de leur disparition — voir celle suggérée par Raimund Hoghe, en hommage à Dominique Bagouet, pour Si je meurs laissez le balcon ouvert. Si certains choisissent de faire revenir les morts d'outre-tombe — voir le tragi-comique Pina Jackson in Mercemoriam de Foofwa d'Imobilité, créé après les décès consécutifs, en 2009, de trois grandes figures de la danse du XXe siècle, Pina Bausch, Merce Cunningham et Michael Jackson —, d'autres s'attachent aux preuves matérielles de leur art. C'est le cas du Walker Art Center de Minneapolis, qui vient d'annoncer l'acquisition d'une collection de quelques 150 objets et documents, estimée à plusieurs millions de dollars, provenant de la Merce Cunningham Dance Company, qui achève actuellement le Legacy Tour, ultime tournée mondiale de deux ans, telle que l'avait décidée le grand Merce (dernière représentation le 31 décembre à New York, juste après Paris, au Théâtre de la Ville). Seront conservés dans le musée américain les costumes, peintures, éléments de décor et accessoires créés pour les spectacles de Cunningham par le petit cercle d'artistes majeurs dont il s'entoura — bâches peintes et sculptures mobiles de Robert Rauschenberg et Jasper Johns, fond de scène peint de motifs de bande dessinée par Roy Lichtenstein, peintures de Frank Stella, bulles argentées d'Andy Warhol, objets sonores du compositeur John Cage —, mais aussi des objets telles que chaise à bretelles ou toile de parachute qui ne prennent tout leur sens que lors des performances. Selon la directrice du Walker, Olga Viso, le musée, qui accueillit les pièces du chorégraphe dès le début des années 1960, affirme ainsi « son attachement de longue date à la réunion de diverses pratiques artistiques, pour former un mélange transdisciplinaire. » Une conception de l'art telle que la défendit ardemment Merce Cunningham.