Dans une bande annonce diffusée régulièrement sur une radio tunisienne privée, une jeune fille proteste avec véhémence : « mais que font tous ces retraités dans les administrations ? Ils devraient laisser la place aux jeunes chômeurs… » Et c'est vrai que bon nombre de retraités continuent à travailler dans leurs anciennes entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, alors que la loi le leur interdit et qu'il y a des milliers de chômeurs dans le pays. Ces retraités qui s'incrustent dans leur travail vampirisent les pays doublement : ils bénéficient de leur pension de retraite et occupent une place où ils sont payés en supplément, alors qu'elle devrait revenir à un jeune diplômé. On nous a rapporté de nombreux cas plutôt étonnants. Un standardiste de la radio tunisienne a continué à travailler pendant plus de vingt ans et n'a abandonné son poste que récemment, pour des raisons de santé. Toujours à la radio tunisienne, plusieurs producteurs datent de l'époque des Beys, certains percevant des centaines de Dinars par mois juste pour lire des textes que n'importe qui peut lire. Il y a même un sous directeur qui est encore installé dans son fauteuil six ans après son départ officiel à la retraite. L'un de ses prédécesseurs avait continué à travailler dix ans après sa retraite et le jour où un ancien directeur général a mis fin à cet abus, il est décédé au bout de quelques mois… Un autre enfin comptait les jours qui s'égrenaient, espérant que son patron le garde plus longtemps et quand aucune proposition n'est venue combler ses espoirs, il a fait une grave dépression. C'est dire que certains Tunisiens s'accrochent à leur travail au point d'en faire une drogue dont il est difficile de se débarrasser. Plus généralement, le travailleur tunisien ne pense jamais à sa retraite, certains vivant cet arrêt comme un échec, comme une rupture douloureuse. Certains n'imaginent même pas que leur entreprise puisse fonctionner sans eux, c'est dire la gravité de leur situation psychologique… Sous d'autres latitudes, les retraités entament une nouvelle vie : ils s'organisent pour effectuer des voyages de groupes, ils s'engagent dans des associations pour faire du bénévolat, ils réalisent leurs rêves de jeunesse, donnent des cours gratuits… Des activités qui leur permettent de rester actifs, mais sans prendre la place des jeunes travailleurs. Et c'est là l'exemple qu'il faut suivre pour nos retraités, au lieu de s'incruster dans des administrations où ils ont traîné toute une vie et qu'ils n'envisagent pas de quitter sauf s'ils sont poussés fermement vers la sortie… Napoléon III disait « les cimetières sont remplis de gens qui se croyaient indispensables. » A méditer…