Il y a cinquante ans, scientifiques, économistes et politiciens s'alarmaient de ce qu'on appelait alors l'explosion démographique. Aujourd'hui, ce sont la baisse du taux de natalité et le vieillissement des populations qui les inquiètent le plus. Des visions et réalités sociales de la retraite très nuancées. En matière d'âge de départ à la retraite, les actifs sont loin d'être logés à la même enseigne. La perception d'un âge limite pour travailler s'échelonne de 56 à 69 ans. En Europe comme en Asie, actifs et retraités pensent que l'on est apte à travailler jusqu'à 63-64 ans en moyenne. Les Anglo-saxons mettent la barre à 67-68 ans en moyenne. En Tunisie, on pense à réformer le régime de retraite. Anna Cristina d'Addio, économiste (division des politiques sociales, équipe des pensions) à l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) -qui regroupe une trentaine de pays : toute l'Europe occidentale et l'Amérique du nord, plus le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée et, depuis 1995 et 1996, certains pays d'Europe centrale nous livre ses impressions sur ce sujet qui préoccupe tous les pays du monde. Le Temps : Pensez-vous qu'il soit bon de réformer l'âge de la retraite qui est actuellement de 60 ans en Tunisie ? Anna Cristina d'Addio : En général oui. La plupart des pays de l'OCDE sont en train de reporter l'âge de la retraite. Notamment en France où cet âge était encore à 60 ans. Mais là encore il faut tenir compte d'autres facteurs, en particulier lorsque l'espérance de vie à 65 ans est très élevée une hausse qui se justifie puisque la durée passée à la retraite tend à augmenter et les poids sur les dépenses aussi. *Certains économistes craignent que la réforme des retraites n'entraîne une augmentation du chômage chez les jeunes. Partagez-vous ces inquiétudes ? -Cet argument n'est plus valable. Dans le passé, plusieurs choix de politiques ont été faits. Ils ne se sont pas révélés tout à fait justes. Les programmes de préretraite, la baisse de l'âge de la retraite qui, ont eu lieu entre les années 70 et 90 n'ont pas amélioré nécessairement la situation du marché du travail de tout le monde, mais ils ont empiré la situation du marché du travail des seniors. Le chômage de jeunes est un problème qui a besoin de solutions différentes pour être résolu. *Les entreprises qui s'emploient actuellement à maintenir leurs effectifs, seront incitées à garder leurs salariés plus longtemps. Quel sera l'avenir de ces jeunes ? -Il faut des politiques visant tant les jeunes que les seniors et les pouvoirs publics doivent reconnaître ce fait. Puisque le nombre d'enfants à naître tend à diminuer ceci aura des conséquences importantes sur le nombre de travailleurs. Il faut que les participations au marché du travail augmentent et ceci demande tant des politiques de demande et d'offres d'emploi. *Vous dites que les pays qui ont repoussé l'âge de départ à la retraite constatent une hausse naturelle de l'emploi des seniors ? - Puisque la plupart de ces pays ont mis aussi en place des politiques pour les inciter à rester en emploi et à décourager les employeurs à licencier les travailleurs âgés *Plutôt que de reporter l'âge légal du départ en retraite, certains pensent qu'il faut laisser le libre choix aux salariés tout en les incitant à travailler encore longtemps. Est-ce souhaitable de mettre en place un système de retraite à la carte ? -IL y a des solutions différentes adoptées par différents pays. Il faut tenir compte du contexte dans lequel la réforme de retraite a lieu. Il n'y a pas de système de retraite idéal unique. Le système de retraite à la carte il n'en est pas nécessairement un, puisque souvent dans les systèmes de retraite il y a des mécanismes qui motivent ou démotivent les travailleurs à partir à la retraite. Le principe de neutralité actuarielle est utile dans ce contexte. Propos recueillis par Kamel BOUAOUINA