La photographie s'affirme comme un mode d'expression, d'information et de communication à part entière. Elle est devenue le premier art réellement populaire durant cette période de transition démocratique en Tunisie. C'est dans le cadre des débats initiés autour du thème « Jeunesse, Culture et Développement » que le Centre culturel international de Hammamet a organisé dimanche dernier une rencontre avec les membres du Laboratoire artistique de la Révolution (LAR) de l'Institut des Beaux-Arts de Nabeul, animée par Hatem Bouriel. La photo est présente partout, dans les rues, au fil des pages de la presse quotidienne. Elle est aussi intéressante en tant que témoignage artistique et journalistique que pratique sociale populaire. Cette photo n'a laissé personne indifférent depuis le 14 janvier. Les étudiants spécialisés en photographie du département « Art et Communication » de cet établissement universitaire, étaient présents sur tous les fronts. Ils ont accompli un important travail documentaire durant les différentes étapes de la Révolution tunisienne. C'est ainsi qu'une vaste collection de photographies a vu le jour avec les contributions de six artistes de la nouvelle génération qui sont Chadia Ghanmi, Yosra Ben Hassine, Rakia Ladouli, Malek Marzouk, Wassim Hadhak et Khaled Mechrgui. Ces artistes, dont la moyenne d'âge est de 20 ans, ont donné le jour à des œuvres saisissantes et vibrantes qui témoignent de la Révolution tunisienne. Dalila Bouslama professeur à l'Institut des Beaux -Arts de Nabeul a expliqué qu'au-delà des œuvres, la démarche pédagogique et l'encadrement théorique de cette initiative ont été le fait d'un groupe de jeunes professeurs résolument engagés dans le développement de ce laboratoire artistique de la Révolution. Acteurs d'un nouveau contrat pédagogique, ces enseignants ont consolidé la démarche de leurs étudiants en appuyant leur travail de reporters sur le terrain à la Kasbah ou Ras Jedir pour ne citer que ces exemples. Les enseignants Dalel Tangour, Haythem Ben Farhat, Amine Tira, Mounir Bdioui et Safouane Jelloul impliqués dans l'animation du LAR, ont offert une approche alternative dans leur relation pédagogique avec les étudiants. Malek Merzoug étudiante a présenté un montage de photos durant la Révolution à partir du facebook. « La photo dit-elle suppose des choix et une mise en forme. L'auteur doit nécessairement, à un moment ou à un autre, se saisir des rushs pour leur donner une forme et par-là un sens ». Wassim Dahak qui a passé trois jours à Ras Jedir, était en contact avec la réalité. Pour ce jeune étudiant, le choix de l'angle et du cadre oriente le regard et ajoute du sens. Certes dit-il, le travail sur le terrain n'est pas chose facile car on est heurté à plusieurs contraintes. Mais si on est bon chasseur, on arrive à tirer notre épingle du jeu en photographiant cette animation inhabituelle et ce vécu quotidien des réfugiés. Dans cette atmosphère si particulière, se dévoilent et se révèlent, le clair et l'obscur, la sensation et l'émotion, l'harmonie et la beauté qui animent l'oeuvre photographique. Ces étudiants ont passé des moments à la Kasbah, à Ras Jedir , lors des sit-in et dans leur institut à pointer les détails, déchiffrer le cadre, la construction, les lignes d'horizons ou les couleurs... A chaque photo, son animation particulière. Le regard plastique diffère d'un endroit à un autre avec cette liberté d'accompagner musicalement l'œuvre et comme l'a précisé Mme Bouslama, « il n' y a pas de recherche du beau. Mais c'est une transgression. Les photos sont chassées voire volées ». Il est vrai que ces jeunes photographes accordent une grande part au hasard en cultivant volontairement l'accident, plusieurs réalités se télescopent et se pénètrent. «Je ne planifie rien et ne décide pas à l'avance du rapport entre le contenu de la première image et de celle qui viendra se superposer avec elle…», affirme Wassim. Bref, comme l'a affirmé Hatem Bouriel, l'animateur de cette rencontre, ce travail photographique mérite tout notre encouragement. Ces jeunes talents nous ont proposé des regards neufs comme autant d'interrogations sur la Tunisie révolutionnaire. Chaque photo porte un message. A nous tous de la faire parler.