• «Projet de prohibition de l'alcool…soit. Il y a les pour et les contre • Quel impact économique? Et quelles mesures contre la prolifération (inévitable) du marché illicite ? «Dans un premier moment, on augmentera les taxes prélevées sur l'alcool, puis, plus tard, on en prohibera la consommation», a affirmé Ghannouchi dans une émission de radio. C'est son projet social, économique et politique le plus urgent et le plus important qu'il compte exécuter quand Ennahdha prendra le pouvoir. Donc, si l'on suit bien sa logique, le peuple tunisien a fait sa révolution en consentant des sacrifices énormes et innombrables rien que pour se débarrasser de l'alcool. Toujours selon lui, cette boisson serait à l'origine de ses problèmes et ses malheurs, la supprimer permettrait aux chômeurs de trouver des emplois, aux pauvres de résoudre leurs difficultés financières, aux régions démunies de bénéficier des richesses nationales et de se développer, à la presse de jouir de la liberté, aux associations de s'organiser, aux partis politiques d'exercer leurs activités, aux citoyens de s'exprimer, au peuple de recouvrer sa dignité. Cette recette miracle placerait notre pays aux devants de la scène politique internationale et en ferait un pilier sur le plan des réformes révolutionnaires. Les circonstances atténuantes On a entendu des intégristes prétendre que dans certaines régions des ivrognes se sont embrouillés et ont semé le trouble. Loin de nous l'idée de défendre ces boit-sans-soif, les brouilles peuvent avoir lieu même en l'absence de ce « démon », il y en a d'autres qui sont encore plus nocifs et plus ravageurs dont ceux du stade par exemple. D'autre part, nos donneurs de leçons ne doivent pas tout amalgamer, il faut qu'ils apprennent à faire la part des choses : les consommateurs d'alcool ne sont pas tous des poivrots. Et si ces derniers menacent la paix sociale par leurs actes illicites qui s'expliquent d'ailleurs par la perte de conscience, les fanatiques attentent à celle-ci d'une manière encore plus dangereuse puisqu'au nom de la défense de la foi ils assassinent les mécréants et même les musulmans « pécheurs », ils le font de sang froid, tout en étant « maîtres de leur raison ». Donc, ces crimes « conscients » ne leur accordent aucunement la faveur des circonstances atténuantes. Les incorrigibles Le refus de la part de nos sages d'évoluer et de s'adapter aux conditions nouvelles de la vie moderne, c'est-à-dire aux règles de la démocratie et de la société civile est vraiment très inquiétant et estomaquant. Soit qu'ils aient la mémoire courte, soit qu'ils ignorent l'histoire, soit qu'ils refusent ou plutôt ne sachent pas en tirer les leçons qui s'imposent. Car elle en regorge : la loi de prohibition de l'alcool de 1919 promulguée suite à la montée au pouvoir de l'extrême droite chrétienne a provoqué aux EU un climat d'insécurité sociale. Elle en a encouragé le trafic et favorisé donc l'apparition des gangs. On se souvient tous du feuilleton «Les Incorruptibles», de Elliot Ness et de Al Capone. On n'a pas seulement à puiser dans l'histoire, le présent est aussi porteur d'enseignements. Pas loin de chez nous, en Libye, la consommation des hallucinogènes est à outrance. Kadhafi n'a-t-il pas parlé de « houboub el halouassa » ? Cela Sans parler de la présence quasi permanente chez nous des Libyens qui viennent goûter à l'arbre de Bacchus. Les facteurs prohibiteurs L'éden tunisien n'est pas pour autant aussi parfait qu'on a tendance à le penser, puisque nous également nous souffrons d'une certaine prohibition. La consommation d'alcool connaît des restrictions, elle est réglementée par un horaire et un calendrier : on en consomme à certaines heures et on en est privé les vendredis et les jours fériés religieux !!! Cette prohibition relative a favorisé l'émergence du marché noir et la criminalité qui en est le corollaire. L'autre facteur prohibiteur reste les prix exorbitants de l'alcool et les tarifs des bars restaurants. Cette réalité ne contribue-t-elle pas à la poussée de l'intégrisme ?