On attendait une nouvelle chanson du talentueux compositeur Samir Agrebi, mais il nous surprend en nous annonçons qu'il se porte candidat aux prochaines élections de la Constituante. C'est tout un programme que le célèbre auteur de « Ana achek ya Maoulati » nous livre dans une rencontre à bâtons rompus. Le Temps : Vous étiez fan de Ridha Kalai. Est-ce lui qui vous a donné envie de faire de la musique et essentiellement du violon? Samir Agrebi : Mon intérêt pour la musique remonte au lycée. Mon prof de musique a détecté chez moi un certain don. Plus tard, j'ai choisi de m'installer dans la vie, alors j'ai travaillé dans le secteur des assurances que j'ai abandonné aussitôt que j'ai pu. En fait, je ne suis pas le genre costume/ cravate. Ma rencontre avec Ridha Kalai a été pour moi déterminante. Je le considère comme étant l'un des meilleurs violonistes qu'a connus, la Tunisie doublé d'un don de compositeur. J'ai beaucoup été influencé par son talent. C'est sûr que c'est lui qui, non seulement, m'a donné envie de devenir musicien, mais aussi m'a encouragé à mes débuts. * C'est le succès de « Daouartini fi sbaâk » chanté par Chokri Bouzaiane qui vous a propulsé sur la scène artistique. Etiez-vous conscient de ce qui vous arrive? -J'avais présenté le projet à Abdelhamid Ben Algia alors directeur de la troupe de l'ERTT, il s'y est opposé avec véhémence jugeant la chanson très légère et ne comportant pas les gammes qu'on retrouvait habituellement dans les chansons de variété. Je n'ai pas baissé les bras. J'ai fait de tout mon mieux pour l'enregistrer avec trois fois rien dans un studio privé. Lorsqu'elle a été diffusée sur les ondes, le succès a été immédiat. C'est à partir de là que j'ai commencé à m'investir dans le domaine et que les chanteurs me sollicitaient pour de nouvelles compositions. * Aujourd'hui, vous occupez la place de celui avec qui vous étiez en conflit, feu Abdelhamid Ben Algia. Quel regard portez-vous sur lui? -Vers la fin de sa vie, nous sommes devenus des amis. C'est vrai que nous étions en conflit artistique, cela va de soi. Il avait son point de vue, j'avais le mien qui était aux antipodes du sien. C'est un grand homme, il avait la main mise sur tout le secteur musical : la troupe de l'ERTT, la Rachidia dont il était le président, sans compter qu'il était chef d'orchestre. Il avait une certaine frilosité à l'égard de tout ce qui est nouveau. Mais, il a fini par être convaincu par ma musique et c'est comme ça que les dernières années de sa vie, nous sommes devenus très proches l'un de l'autre. Je le conduisais souvent chez lui. Un jour, il m'a proposé de partager son dîner, j'ai dû reporter en lui expliquant que je devais remettre la voiture à celui qui me l'a prêtée. Je me suis résolu à acheter une voiture à la première occasion. C'est ainsi qu'après une tournée de deux jours, j'ai essayé de l'appeler pour lui apprendre que j'allais acheter une voiture. Alors, j'ai appris la triste nouvelle de sa mort. * Un autre artiste a compté beaucoup pour vous, Fadhel Jaziri avec qui vous êtes actuellement en conflit. A quand la réconciliation? -Mon conflit avec Jaziri est différent de celui avec Ben Algia. Jaziri a voulu m'exclure de « Hadhra » arguant qu'il en est le seul auteur. Pour cela, je ne suis pas prêt à lui pardonner parce que je considère que c'est un vol. * Où en est la chanson aujourd'hui après la Révolution? -Je reçois des textes de chansons patriotiques qui louent le courage et la dévotion de l'armée nationale. J'estime que c'est normal que les auteurs et les compositeurs s'inscrivent dans cette perspective parce que notre armée a été exemplaire dans sa protection et sa défense des citoyens lors des heurts qui ont suivi la Révolution du 14 janvier. * Que pensez-vous de la vie politique en Tunisie et croyez-vous que le multipartisme est une bonne chose? -C'est un indicateur de la bonne santé du pays même s'il reste beaucoup à faire. Il y a plusieurs sons de cloche et c'est tant mieux. Au bout du compte, les Tunisiens vont s'exprimer librement à travers les urnes. C'est une première. Il y aura sûrement des usurpateurs. Avec ceux là, il faut être vigilant . Pour ma part, je compte me porter candidat pour les prochaines élections de la Constituante dans ma circonscription, l'Ariana. Propos recueillis par Inès Ben Youssef