Le mandat de dépôt décerné dernièrement par le juge d'instruction à l'encontre de l'ancien juge Sami Héfiane a suscité la polémique non seulement parmi les gens de la profession mais la quasi-totalité des membres du corps judiciaire. Et pour cause : l'ancien juge aurait cité, lors de sa déposition, la complicité de certains magistrats, avocats et hauts commis de l'Etat. Cette polémique concerne en premier lieu l'impartialité du juge. En effet comment faire juger un ancien juge par des magistrats qui l'ont côtoyé et travaillé avec lui, pendant plusieurs années ? Seraient-ils intransigeants,ou cléments qu'on aurait tendance à les taxer de complaisants ou d'acharnés. Il aurait été plus équitable que ledit magistrat fût jugé par un magistrat faisant partie d'un autre tribunal et relevant d'un autre gouvernorat, afin d'éviter tous les problèmes pouvant mettre tant soit peu mettre en doute l'impartialité du juge et affecter par là même son intime conviction. Certes le magistrat doit être jugé par ses pairs, seulement entre le disciplinaire et le juridique il y a une nuance, difficile du reste à saisir. En matière de déontologie, il y a, en plus de la loi, les règles de comportement relationnel entre les gens d'une même profession. Il y a de ce fait l'idée préconçue qui joue un rôle assez important dans la sanction disciplinaire. En effet, en plus du comportement et des actes, il y a également la réputation. Autant de facteurs intervenant dans la sanction disciplinaire, laquelle peut être inéquitable. C'est la raison pour laquelle toute sanction disciplinaire est susceptible de recours judiciaire. En matière pénale, en effet seule entre en ligne de compte, l'application de la loi. Il n'y a pas, pour cette raison, d'infraction ni de sanction sans texte. En matière disciplinaire il y a en outre la moralité de l'intéressé qui est prise en considération dans l'évaluation de la sanction. C'est la raison pour laquelle, sur le plan, pénal, un magistrat ne peut être jugé par ses pairs travaillant avec lui dans un même tribunal, ou qui le connaissent de près. Corrélativement, cette polémique concerne également le fait,d'après certains magistrats, que ce juge dernièrement inculpé et incarcéré, serait un bouc émissaire, appelé à payer pour les autres. D'autant plus qu'il aurait, lors de sa déposition, cité plusieurs complices parmi le monde judiciaire. Tant mieux disent des membres du corps judiciaire qui sont pour un assainissement radical. D'autres pensent cependant qu'il faut tourner la page et éviter une chasse aux sorcières qui ne ferait qu'envenimer inutilement la situation. En tout état de cause, il bénéficie de toutes les garanties de défense, lui permettant de procéder à tous les recours prévus par la loi et qu'il jugera utile dans la défense de ses droits. L'évènement en lui- même constitue du reste une première depuis la Révolution, et un indice important dans le sens de cet assainissement tant désiré et attendu. Par ailleurs, l'ancien ministre de la Justice, sous le régime du président déchu,serait bientôt entendu par le juge d'instruction, suite à plusieurs requêtes présentées aussi bien par des avocats ou des citoyens, pour dénoncer les multiples abus dont ils ont été victimes par son fait. Cela ne fait que concrétiser cette volonté d'assainissement du monde judiciaire, avec les risques que cela peut engendrer pour les magistrats, qui naguère, durant l'ère dictatoriale, travaillaient sous le commandement de cet ancien garde des sceaux qui comparait en tant qu'accusé, sans toutefois, le priver des garanties de défense, en toute impartialité et en toute sérénité, sans acharnement, ni complaisance.