Cette fameuse nuit fatidique du 3 septembre 2005, l'accusé n'est pas prêt de l'oublier de sitôt, d'autant qu'elle lui a coûté une peine de dix années d'emprisonnement pour un repas copieux qu'il a indubitablement payé chèrement. Ce soir-là vers minuit, il était en compagnie d'un compère, tous deux fortement éméchés après une grande tournée des ducs, bien arrosée. Leurs pérégrinations nocturnes à travers les rues de la capitale les menèrent au quartier de Bab Jédid où ils dénichèrent un restaurant populaire encore ouvert à cette heure tardive. Après avoir englouti force bouteilles de vin, ils avaient véritablement une faim de loup et le camarade ne se fit pas prier pour commander les plats les plus consistants et les plus chers afin de rassasier un estomac bien vide. Mais étant plus lucide que le jeune homme incriminé dans cette affaire, il avala avidement les mets à la vitesse grand « V » avant de prendre momentanément congé de son compagnon. C'est du moins ce qu'il prétendit, car en réalité il a pris ses jambes à son coup pour filer loin du coin, n'ayant pas de quoi payer ce repas abondant qu'il s'est offert, alors que l'inculpé attendait vainement son retour. Resté seul, ce dernier termina tranquillement son festin et s'apprêta à quitter les lieux sans payer la facture que lui présenta le garçon. Interpellé par le propriétaire du restaurant qui était à la caisse, il avança que ce n'était pas lui qui avait commandé les repas et que c'était de son droit de ne pas s'acquitter du montant. Une altercation verbale entre les deux hommes s'en suivit à l'issue de laquelle l'alcool l'emporta puisque le forcené s'en prit violemment à la devanture de la gargote dont la vitrine en verre éclata en mille morceaux. Cela ne lui a pas suffi car il endommagea le réfrigérateur avant de s'attaquer au propriétaire du local. La balance des forces ayant penché en faveur du maître de céans, l'accusé sortit alors un couteau avec lequel il lui porta un terrible coup à l'abdomen qui nécessita une longue hospitalisation de la victime, ponctuée de deux opérations chirurgicales. Une fois son forfait accompli, il prit la fuite, mais pas pour longtemps puisqu'il a été arrêté par les policiers qui recueillirent ses aveux complets, mettant tout sur le compte de l'alcool qui lui avait fait perdre toute notion d'acte répréhensible. Traduit devant la chambre criminelle du tribunal correctionnel de Tunis sous plusieurs chefs d'accusation dont celle de tentative de meurtre, le soûlard nia farouchement avoir eu l'intention de donner la mort à son rival qui était plus fort que lui, lors de la bagarre qui eut lieu au restaurant. « C'était pour me défendre que j'ai utilisé le couteau », a-t-il affirmé au juge. La défense a suivi les déclarations de l'accusé et demandé les circonstances atténuantes, vu l'état d'ébriété dans lequel se trouvait son client. Après avoir délibéré, la cour a condamné le prévenu à dix ans de prison ferme.