Libérés après le 14 janvier, les médias tunisiens se voient reprocher par plusieurs structures professionnelles et d'observateurs par un manque de professionnalisme et surtout le un respect de la déontologie du métier. La dernière en date est prononcée par le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) lors d'un communiqué rendu public le mardi 2 août, où il dénonce les dépassements commis aussi bien par les supports écrits et/ou audio-visuels privés que ceux qui sont placés sous l'administration de l'Etat. Subjectivité de couverture des événements, propagande des partis politiques, défense de certains responsables politiques, fatwas contre quelques penseurs tunisiens, plagiats. La liste des dépassements est variée et surtout accablante pour le secteur qui a longtemps été victime de manipulations et de maniement par l'ancien régime. Mais comment s'expliquent cette situation ou ce débordement. Le secteur est-il malade de ses journalistes ou de ses administrateurs ? Est-ce le résultat de la formation dans le domaine qui tarde toujours à donner un corps professionnels bien qualifié ? S'agit-il de l'effet de l'esprit commercial basé sur le gain facile et la négligence du professionnalisme ? C'est peut être tout ça à la fois. Car nombreux sont ceux qui considèrent que le journalisme en Tunisie est victime de marginalisation à plusieurs niveaux. Les établissements médiatiques continuent à embaucher des « journalistes » qui n'ont pas suivi une formation dans le domaine, d'où le manque de professionnalisme. A cet effet, Salma Jelassi, membre du SNJT, chargée du règlement intérieur, considère que le dérapage actuel dans les médias est le résultat entre autres, « du manque de formation sur des bases solides, d'où l'urgence à réformer les programmes d'encadrement au sein de l'Institut de Presse et des Sciences de l'Information ». Les dépassements enregistrés dans le secteur sont dus aussi « au manque de professionnalisme », déclare-t-elle.
Les facteurs
Ce n'est pas tout. D'autres facteurs d'ordre déontologique sont derrière ce dérapage. Mme Jelassi considère même que « l'opportunisme politique des responsables et des directeurs de rédaction par intérêt lucratif fait que le secteur se retrouve dans cette situation ». Elle insiste à cet égard sur « l'importance d'objectivité de la part des journalistes ». « Ils doivent faire la différence entre le militantisme ou la sympathie politique et le travail journalistique », réitère-t-elle. C'est ce qui explique d'ailleurs que certains partis politiques saisissent ce facteur pour faire passer leurs messages implicitement ou explicitement.
Esprit commercial
Pis encore, c'est l'esprit commercial qui domine le secteur et qui fait que le journalisme soit dans cette situation ou dérape. « Obsédés par le gain de l'argent, les propriétaires s'enrichissent au détriment des journalistes », toujours d'après la représentante du Syndicat National des Journalistes Tunisiens. Ces derniers recrutent de manière anarchique « les journalistes » sans même respecter la convention régissant le secteur. « Un ensemble de facteurs qui ont fait que la presse décline en Tunisie », selon Salma Jelassi. La syndicaliste ne s'arrête pas à ce niveau. Elle ajoute par ailleurs d'autres éléments qui ne manquent pas d'importance tout en mettant en exergue un nouveau phénomène enregistré avec la parution des nouveaux supports médiatiques. Il s'agit de la duplicité des rôles au sein de la rédaction. « Nous assistons aujourd'hui à des avocats qui assurent le rôle de rédacteurs en chef », critique-t-elle tout en insistant sur l'importance de « séparation des rôles ». Il est clair que le secteur se trouve face à des problèmes de différents types. Manque de professionnalisme, d'encadrement, dominance de l'esprit commercial. Face à cette situation le SNJT est en train de prendre un ensemble de mesures, dont l'organisation des sessions de formation au profit des journalistes en collaboration avec la société civile. L'Observatoire de la déontologie du métier et des pratiques d'information formé au sein du syndicat a aussi pour tâche d'identifier les dépassements dans le secteur pour les examiner dans une deuxième phase au niveau du syndicat. Réformer le domaine tout en instaurant et respectant les normes de professionnalisme est une tâche certes pas facile à accomplir. Cela nécessite l'engagement aussi bien des journalistes que les directeurs et les responsables et des supports médiatiques lesquels doivent miser sur la qualité et surtout le professionnalisme. Sana FARHAT