« En ce qui concerne les dossiers ouverts contre certains anciens ministres de l'ancien régime, nous apprenons que trois experts ont été désignés pour mener ces investigations » La traque des « symboles de l'ancien régime » ne cesse de se poursuivre chez le Groupe des 25. Ces avocats ayant consacré leur temps et leur effort à la dénonciation des grosses têtes ayant exécuté à la lettre les consignes du dictateur déchu, se mettent actuellement à la chasse contre ceux qui ont largement profité des postes clés qu'ils occupaient. « Falsification, formation d'une bande de malfaiteurs dans l'objectif de porter atteinte à la volonté du peuple » tels sont les chefs d'accusation à l'encontre d'un nombre d'anciens faucons de l'ancien régime dans l'affaire de la falsification et de la manipulation des résultats des élections présidentielles de 2004 et de 2009. Selon Maitre Imen Béjaoui, porte-parole du Groupe des 25, les plaintes ont été portées contre le président déchu, Rafik Hadj Kacem, les gouverneurs des différentes régions de la Tunisie en 2004 et ceux de 2009, soit 34 gouverneurs, Hédi M'henni, en sa qualité de secrétaire général du RCD, le superviseur des élections présidentielles de 2004, Mohamed Ghariani, lui aussi ancien secrétaire général des élections et en sa qualité de superviseur des élections de 2009. La même plainte comprend aussi le nom Abdelwaheb El Behi, Président de l'observatoire national des élections de 2004 et de celles de 2009, ainsi que Fethi Abdenadher, ancien président du Conseil Constitutionnel, organe ayant chapeauté les élections de 2004 et de 2009. « Nous avons suivi cette plainte auprès du tribunal. Parfois le parquet ne cite pas à comparaître l'ensemble des individus contre lesquelles des plaintes ont été portées, omettant d'inviter certains. Mais dans cette affaire, toutes les personnes sus-indiquées ont été priées de comparaître. Le cabinet d'instruction numéro 6 du tribunal de Tunis est celui qui prend en charge cette affaire », nous précise aussi Maître Béjaoui. Des milliards dépensés pour les livres dans les poches des « responsables » Dans le dossier de Sadok Korbi, ancien ministre de l'Education et de la Formation Professionnelle, de nouvelles révélations font surface. « Ceci concerne les marchés publics pour l'octroi de CD et de livres. Des malversations et des fraudes à de très grandes échelles ont eu lieu, d'après ce que nous ont confirmé, dossiers à l'appui, des cadres du Centre National Pédagogique, explique encore Maître Béjaoui. On demandait dans certains cas l'achat et l'élaboration de 200 mille CD afin de les distribuer dans les écoles. Une poignée de CD est imprimée, si jamais on le fait, et l'argent dédié à cette opération est partagé entre les hauts responsables du CNP ». Selon la porte parole du Groupe des 25, dans cette affaire sont mêlés trois hauts responsables « qui sont toujours à leur poste, même après le 14 janvier, alors qu'ils abusaient de leur pouvoir et surtout de leur appartenance au RCD dissous ». Les cadres et les employés du CNP qui se sont trouvés exclus de la prise de décision dans ce Centre et qui savent mieux que quiconque ce qui se mijotait pendant de longues années, ont fini par préparer les dossiers, preuves à l'appui. Les personnes contre lesquelles des plaintes ont été portées par le Groupe des 25, sont respectivement une ancienne membre du Comité Central du RCD dissous, le président de la fédération du même RCD au sein du CNP ainsi que le président de la cellule du RCD à Beni Khalled, et qui occupe un poste clé au Centre National Pédagogique. « Ce sont des gens qui étaient assez bien placés au sein de l'ancien parti au pouvoir et qui ont profité de leur position pour détourner des fonds publics, destinés en effet à l'éducation de nos enfants », explique encore Maître Imen Béjaoui. Un des exemples de ces malversations signalés auprès du parquet, c'est lorsque l'une des régions a besoin d'un nombre déterminé de livres scolaires, ces « responsables » signent des documents pour le financement de 3000 mille livres, juste une petite cinquantaine de ces livres est imprimée, alors que la somme du reliquat va dans les poches de ce « responsables ». « Ceci apparait dans les palaces que ces « responsables » acquièrent, les voitures qu'ils possèdent et leurs enfants ayant effectué leurs études à l'étranger aux dépens des pauvres dans les différentes régions démunies de la Tunisie », explique encore Maître Béjaoui. Par ailleurs, et en ce qui concerne les dossiers ouverts contre certains anciens ministres de l'ancien régime, nous apprenons que trois experts ont été désignés pour mener ces investigations. L'un de ces experts aurait affiné son expertise, et le juge attend encore les résultats des deux autres experts pour se prononcer finalement dans l'affaire des détournements de fonds au profit du RCD et de ses différentes structures. « Pour la première fois, indique encore Maître Béjaoui, j'ai eu le sentiment que ces experts sont en train de faire leur travail en toute indépendance. J'ai eu la chance d'entendre l'un de ces experts, que nous ne connaissons pas, parler avec le juge d'instruction. Il a exposé l'acheminement de ses investigations et ceci nous a énormément réconfortés». Des centaines de dossiers sont donc exposés, ils concernent surtout les « emplois fictifs », lorsque des « agents » recevaient des salaires de la part des différents ministères de l'Etat, mais en effet ils n'étaient que des indics et des sbires de l'ancien régime et de son ancien parti le RCD, et qui n'effectuaient aucune mission au sein des administrations tunisiennes. Des milliards de dinars sont donc à récupérer, et les commissions de saisies devraient se préparer à restituer tous ces biens mal acquis. Haykel Tlili RENARDINE [email protected]