Comme chaque année, en pareille période, à l'approche de la saison des mariages, en été, un étalage exceptionnel des couffins de décor, appelés communément, chez nous, ''cnaestro'' , est perceptible, depuis quelques jours, dans les boutiques spécialisées du fameux souk el attarine (marché des parfums), dans la Médina de Tunis. En effet, cet article est un élément de base dans la composition des trousseaux des mariées, que les familles tunisiennes, engagées dans des projets de mariage, l'été, achètent, souvent, en cette période. Comme son nom d'origine italienne l'indique, le cnaestro est un couffin constitué d'un cadre en bois ou en métal, que ses fabricants tapissent joliment de satin blanc ou de toute autre couleur, avant de le garnir de deux petits oreillers en satin de même couleur, de deux paires de gants de la même étoffe, destinés à couvrir les mains et les pieds de la mariée, décorés de henné, et d'autres menus articles et produits de beauté dont du henna et des substances du même genre pour confectionner le harkous nécessaire à la décoration de la mariée. Aussi, le cnaestro est vendu, généralement, avec sa garniture.
Prix variés Selon l'un des commerçants les plus réputés de souk El Attarine, spécialisé, entre autres, dans la vente de ce couffin de fantaisie, Mohamed Rachid Ben Youssef, la demande de ce produit est toujours en vigueur, malgré la modernisation poussée qu'a connue la célébration des mariages en Tunisie, comme d'ailleurs pour beaucoup d'autres articles similaires à caractère traditionnel auxquels les familles tunisiennes restent attachées. Or, pour beaucoup, le moment fort de la cérémonie du mariage est l'exposition du trousseau de la mariée qui doit comprendre, nécessairement, quelques cnaestros, car on gagne d'autant plus de prestige aux yeux des autres que le trousseau est bien fourni, en tout. Leurs prix varient, selon les espèces, allant de 40 dinars à 60 dinars pour un couffin et sa garniture. Mais les cadres en bois et en métal sont fabriqués dans des menuiseries et des ateliers spécialisés. Ainsi, sur invitation spéciale, nous avons pu assister, récemment, chez un menuisier de la rue du Pacha, dans la Médina de Tunis, non loin des souks, à la livraison de plus de 100 cadres en bois de ces couffins destinés à être décorés et garnis, avant leur mise en vente. C'est dire l'étendue de la demande, à telle enseigne que le menuisier a parlé de saison des cnaestros. Son achat est, aussi, une occasion pour s'approvisionner de plusieurs autres articles et accessoires de mariage, comme les bougies et un autre type de couffin de décor plus petit servant à présenter les dragées et les bonbons.
Détournement préjudiciable Cependant, toute médaille a son revers. Notre interlocuteur, Mohamed Rachid Ben Youssef, qui exerce le métier de commerçant à souk El Attarine, depuis plus de 55 ans, comme son père, avant lui, n'est pas très content de la tournure prise par l'exploitation de souk El Attarine et des autres souks de la Médina de Tunis. Avec une émotion visible qui cache une certaine indignation, il dit assister, avec regret, à la perte progressive de l'âme des souks de la Capitale. Autrefois, nous a-t-il dit, les couffins des mariées ou cnaestros étaient vendus, exclusivement, dans les boutiques spécialisées de souk El Attarine, alors qu'aujourd'hui, ils sont offerts partout, et il y en a des articles d'imitation importés. Il en va de même pour beaucoup d'autres produits traditionnels qui étaient la spécialité exclusive des souks. Non seulement, les souks sont concurrencés par d'autres espaces de vente, mais ils perdent, en même temps, leur spécialisation, et voient, chaque jour, leur vocation première détournée, au profit d'activités intruses qui les dénaturent et les vident de leur âme, nous a-t-il confié.