• La Présidente de la Confédération Helvétique, Micheline Calmy-Rey, a insisté sur le droit du peuple tunisien à récupérer les fonds qui lui ont été indûment volés par les clans du régime de Ben Ali. • Les responsables de géants européens tels que GDF Suez, Kleinwort Benson, l'espagnol Acciona Agua, ou encore KPMG S.A, Siemens France, Finmeccanica l'italien et Club Med, ont participé aux travaux de la réunion. Viennent-ils simplement pour faire des éloges ? On attendait les résultats des réunions de la « Task Force Union Européenne- Tunisie» avec beaucoup de méfiance. Ce groupe de travail qui comprend des experts de l'Union Européenne et de la Tunisie qui devraient concevoir et imaginer les meilleures options d'une éminente aide européenne au développement de la vie économique et sociale en Tunisie. Méfiance, car beaucoup de promesses ont été faites depuis le 14 janvier, mais très peu de choses ont été concrétisées sur le terrain. Et puis, l'Europe ne connaît pas vraiment, à l'heure actuelle, ses jours de gloire, et les décideurs européens ont du pain sur la planche pour sauver la zone euro, où sévit une crise de dettes qui risque de tout emporter sur son passage. Mais voilà que la Commission Européenne rallie Tunis avec une délégation tirée au peigne fin. Une délégation conduite par Catherine Ashton haute représentante de la Commission Européenne, et qui comprend les principaux responsables de la commissions, tels que Stephan Füle, membre de la Commission chargé de l'élargissement et de la politique de voisinage et Bernardino Léon, représentant spécial de l'Union Européenne pour la région de la Méditerranée du Sud. Mais au-delà de ces responsables officiels, la première réunion de cette Task Force, qui a lieu à la Maison de l'Exportateur (Cepex), dans l'après-midi du mercredi 29, en présence de Béji Caïd Essebsi, Premier ministre, a connu la présence d'un panel d'hommes d'affaires et de premiers responsables de grosses mastodontes européennes, qu'il serait difficile de les revoir une autre fois regroupés dans une même salle. Une présence qui a été jugée par certains observateurs comme « un signal fort de la part du secteur privé européen ainsi que sa prédisposition à soutenir la transition démocratique en Tunisie, outre le développement de la vie socio- économique du pays ». Mais pour concrétiser ceci, une liste de conditions doit être honorée de la part des Tunisiens, de tous bords, avant de voir ces promesses devenir des réalités. Signature de deux conventions de financement de 300 millions de dinars La deuxième journée des réunions de cette Task Force a été caractérisée par la signature de deux conventions de financement entre l'UE et la Tunisie pour un total de 157 millions d'Euros, soit près de 300 millions de dinars au budget de l'Etat. La première convention portant sur le programme d'appui à la relance visant à accélérer le retour à la croissance, grâce à un apport de 100 millions d'euros aux mesures de relance économique adoptées par le gouvernement tunisien. La deuxième convention porte sur le programme d'appui aux politiques publiques de gestion des ressources en eau pour le développement rural et agricole qui mettra, grâce à un budget de 57 millions € le gouvernement tunisien dans une meilleure prise en compte des problématiques de préservation de la ressource et de la gestion de la demande en eau. Ce programme d'appui à la relance en Tunisie, formulé juste après la Révolution, comprend 1.25 Milliard d'euros de prêts mobilisés par la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement et l'Agence Française de Développement. Les 100 millions de € de l'UE, sous forme de don, viennent s'ajouter aux prêts de ces institutions pour jouer « un rôle clé dans la coalition des donateurs dans l'objectif de mobiliser, au sein d'un programme conjoint, un montant de ressources sans précédent pour la Tunisie dans cette période historique qu'elle traverse ». Des aides à toucher tous les secteurs Les aides européennes à la Tunisie viennent d'être révisées, et les relations entre les deux parties devront prendre un plus important élan dans les périodes à venir. Lors des différentes explications des responsables de l'UE devant les journalistes, les domaines de coopération toucheront l'ensemble des secteurs, même ceux où une certaine réticence fut sentie dans les années passées, telle que dans les domaines des services ou celui de l'agriculture. Le secteur des services bénéficiera d'un montant de 20 millions d'euros « dans l'objectif d'améliorer sa compétitivité dans les secteurs de la santé, le commerce international, le transport ainsi que les services logistiques et professionnelles ». Les régions les moins développées de la Tunisie bénéficieront à leur tour d'un financement de 20 millions d'euros, l'objectif étant de faciliter « la transition démocratique par la limitation des équilibres sociaux et les contradictions régionales, ainsi qu'à l'appui aux PME ». Par ailleurs, les travaux de cette task force ont connu la participation de la Présidente de la Confédération Helvétique Micheline Calmy-Rey, qui a insisté sur « le droit du peuple tunisien à récupérer les fonds qui lui ont été indûment volés par les clans du régime de Ben Ali. Des avoirs dont la récupération devra prendre du temps, vu la complication des procédures judiciaires. Ceci nécessite une totale collaboration entre le système judiciaire suisse et son homologue tunisien, dans l'objectif de doter ce mécanisme de tous les moyens permettant une récupération rapide de ces fonds ». La présidente suisse n'a pas manqué d'admettre qu'il s'agit d'un travail de longue haleine nécessitant la tractation et le suivi à la trace de ces fonds, un travail compliqué étant donné la complexité des procédures financières. Un comité ad-hoc a donc vu le jour, rassemblant des experts tunisiens et autres suisses qui se pencheront sur le suivi et la récupération de ces fonds. « More for more » Comme mentionné, les travaux de la première réunion de cette Task Force et qui reprendront leur deuxième session au mois de novembre à Bruxelles, se sont caractérisés par la forte participation du secteur privé européen. Les responsables de géants européens tels que GDF Suez, Kleinwort Benson, l'espagnol Acciona Agua, ou encore KPMG S.A, Siemens France, Finmeccanica l'italien et Club Med ont tous salué la Révolution tunisienne. Alors qu'ils ne sont pas là juste pour faire des éloges. Ils veulent faire des affaires et pour cela, la Tunisie et les Tunisiens doivent répondre présents. Selon beaucoup d'entre eux, et selon les échos qu'ils ont eus de la part de leur homologues ayant déjà investi en Tunisie « c'est vrai que la main d'œuvre tunisienne est la plus qualifiée dans le monde arabo- musulman, mais beaucoup d'investisseurs européens nous ont dit que les cadres tunisiens, fraîchement diplômés, portent de jolies qualifications mais ont besoin de formation. Quel gain aurait-on alors si on recrute un haut cadre pour débourser encore plus pour sa formation » a dit Arnaud Erbin, vice président de GDF Suez. Les questions de la rentabilisation des investissements européens en Tunisie doit de plus en plus être discutée. Car selon Catherine Ashton, les investissements privés européens en Tunisie pourraient atteindre les 4 milliards d'Euros dans les trois années à venir qui viendront de la Commission Européenne, de l'Union Européenne et de la Banque Européenne d'Investissement (BEI). Mais une fois interrogée sur ce que les Européens attendent en retour de ces investissements et de tous ces dons, la haute représentante a souligné qu'il s'agit de deux principes « more for more et mutual accountability », c'est-à-dire « plus les Tunisiens sont prêts à aller plus vite dans les réformes, politiques, économiques et sociales, plus d'aide et de support la Tunisie recevra de ses partenaires européens. Comme nous devons, les deux parties, être responsables pour la bonne gestion de tous ces fonds et à leur bon usage ». De notre part, nous avons interrogé Catherine Ashton sur les garanties que la Tunisie pourrait avoir de la part d'une Europe qui souffre d'une crise de dettes aigu susceptible d'avoir des effets assez négatifs sur la coopération dans les années à venir. Confiante, elle répond : «nous disposons de toutes les garanties de ce support que nous procurons à la Tunisie. Notre coopération se base sur notre capacité à défier les difficultés économiques et financières. Nous devons faire valoir notre capacité à collaborer ensemble pour l'intérêt des deux parties ». Il s'agit donc d'une réelle et ferme volonté de la part du premier partenaire de la Tunisie à hisser le niveau des relations économiques et sociales. Mais des questions incessantes ne cessent de se poser, elles concernent notamment cette mobilité des Tunisiens dans l'espace européen et tout ce qu'y découle de la question d'immigration. Car selon les responsables européens cette problématique devra être revue d'un nouvel œil, et les traités signés auparavant concernant les quotas de la main d'œuvre tunisienne à recruter en Europe devront être revus. De toutes les façons, les Européens et en venant aussi nombreux ne cessent de manifester leur bonne volonté quant à la coopération avec la Tunisie. Il reste ainsi aux Tunisiens de retrousser les manches et démontrer leur réel engagement afin de faire de la Tunisie un meilleur pays et un site attracteur de fonds. Les discussions menées viennent reléguer au second plan le « Statut avancé », et on parle déjà d'un statut de « partenaire privilégié». Mais pour l'instant, la question de la productivité de l'employé tunisien ne remonte pas encore aux avants postes des débats, alors qu'elle demeure la seule planche de salut : travailler, et cravacher dur pour percer et forcer le destin.