Une bonne éducation est une condition préalable pour un bon emploi : alors que la Tunisie se bat pour atténuer les effets pervers du chômage, et lance son « mois de l'emploi » le 12 septembre, la Fondation Européenne pour la formation (ETF) a placé le pays parmi ses priorités et y a doublé le budget alloué. Le gouvernement tunisien a récemment adopté un programme destiné à accompagner les demandeurs pour les aider à intégrer le marché de l'emploi. L'ETF s'est engagée à soutenir cette action, avec le but d'aider la Tunisie à exploiter au maximum le potentiel de ses ressources humaines. Avec une dextérité remarquable, toujours affable, il manipule quotidiennement la machine à café de l'établissement pour servir les clients. Depuis le mois de décembre de l'année dernière, Lotfi Ltaief, la trentaine, travaille en tant que serveur dans ce café, dans la localité du Bardo, à trois kilomètres du centre de Tunis. Lotfi, depuis près de six ans, a acquis une expérience respectable dans ce domaine. Ce que beaucoup de clients ignorent, c'est que ce jeune est titulaire d'une maitrise en lettres arabes depuis l'année 2003. Depuis cette date il n'a pas cessé d'envoyer des demandes d'emploi, de déposer sa candidature pour le poste d'enseignant au ministère de l'éducation nationale et de participer à divers concours. En vain. Il s'agit d'un cas parmi tant d'autres qui pose le véritable problème auquel la Tunisie fait face. Une préoccupation majeure Sur une population de plus de dix millions d'habitants, le nombre de chômeurs est officiellement estimé à près de 700.000 dont 150.000 de diplômés du supérieur. Le problème de la création de nouveaux postes d'emploi constitue aujourd'hui en Tunisie un problème majeur. Depuis la révolution du 14 janvier, les mouvements de revendications sociales se sont amplifiés. Les grèves sauvages, les sit-in, se sont multipliés un peu partout dans tous les secteurs public et privé, entrainant purement et simplement la fermeture d'un certain nombre d'entreprises. L'emploi a constitué la principale préoccupation de tous les gouvernements depuis l'indépendance. Le problème est crucial aujourd'hui car il intervient à un moment où le pays passe par une étape difficile. Les citoyens sont devenus plus revendicatifs et n'hésitent pas à recourir aux démonstrations de force. Malgré cette situation, un travail en profondeur est en train d'être réalisé pour venir à bout de ce phénomène et atténuer un tant soit peu, les effets pervers du chômage en Tunisie. Le gouvernement provisoire dirigé par M. Béji Caid Essebsi, est plus que conscient de la situation et est en train de fournir des efforts notables. « Je n'ai pas de baguette magique" insiste-t-il à chaque occasion. Dès mars dernier, le gouvernement provisoire a lancé un programme d'urgence pour l'emploi destiné à accompagner les demandeurs pour les aider à intégrer le marché de l'emploi. Le programme s'articule autour de quatre axes, explique M. Ali Takout, directeur régional : développer les emplois salariés, à travers la création de 40.000 postes dans le secteur public et privé, à sauvegarder les postes en aidant les entreprises connaissant une situation difficile, développer l'entrepreneuriat et la micro-entreprise, aider les jeunes à créer leurs propres activités, améliorer l'employabilité des jeunes diplômés (volet Amal du programme, qui signifie ‘espoir' en arabe) tout en leur assurant une aide à la recherche active d'emploi. De bonnes pratiques Mme Marie Dorléans, directrice de l'ETF pour la Tunisie, explique : « L'ETF n'est pas un bailleur de fonds mais un partenaire technique qui mobilise l'expertise et les expériences souhaitées pour aider à la décision en matière de choix de politique de formation et d'emploi. A l'heure où la priorité nationale porte sur l'emploi et le développement régional, nous avons par exemple initié un projet d'appui à une région bien déterminée, le gouvernorat de Médenine, située près de la frontière tuniso-libyennes. Dans cette phase initiale, nous avons organisé des rencontres avec l'ensemble des acteurs, dans le but de diagnostiquer les problèmes de la région en vue d'améliorer l'adéquation entre offre de formation et emploi. Après la révolution, nous avons doublé le budget alloué à notre action en Tunisie. Elle est devenue pour nous prioritaire ». « Nous n'avons pas de modèle à vendre – continue Mme Dorléans – mais nous essayons de voir les approches ou pratiques, en particulier européennes, qui peuvent inspirer la Tunisie. À moyen terme, l'ETF s'est engagée à soutenir les politiques régionales intégrant l'enseignement, la formation professionnelle et l'emploi. L'accent sera mis tout spécialement sur le développement de compétences utiles sur le marché de l'emploi. « Notre fondation est perçue comme un conseiller fiable et impartial – poursuit Mme Dorléans – et comme un partenaire capable de réunir autour de la table divers acteurs. Cette neutralité est particulièrement appréciée par le gouvernement tunisien ».