Ils étaient des centaines à se rassembler dimanche en fin de matinée à l'avenue Mohamed V. Ils scandaient des slogans modernistes, progressistes. Ils élevaient haut et fort la voix pour la liberté d'expression. Ils sont des citoyens tunisiens et ils font partie d'une société qui se veut contractuelle, où la société civile a son mot à dire et où l'action citoyenne est un baromètre de développement et de civisme. Ils ont choisi comme slogan pour leur action « Aatakni », « Fous-moi la paix ». En fait, la manifestation organisée dimanche dans l'une des principales artères de la capitale était une réponse aux groupes d'islamistes et d'intégristes qui se sont manifestés le vendredi pour protester contre la projection du film franco-iranien « Persepolis » sur la chaîne de télévision privée « Nessma TV ». Lutte contre l'obscurantisme C'est encore une fois le réseau social facebook qui marque le coup et qui s'impose. Après avoir lancé vendredi dernier un appel pour participer à la marche pour la liberté d'expression, les organisateurs et ceux qui partagent les mêmes approches se sont donné rendez-vous dimanche. « Il est temps de nous révolter contre cet obscurantisme et de nous battre pour notre liberté d'expression. Où que vous soyez rejoignez-nous. Il n'y a pas mieux qu'une parole libre pour faire taire ces barbares partisans de l'obscur ! C'est le moment ou jamais...Criez " aatakni!!!""», c'est par ces paroles que les facebookers ont réussi à se rassembler. Hommes et femmes d'un certain âge, adultes, jeunes et moins jeunes étaient tous là. Leur mot commun, la « Tunisie est une République civile ». D'autres affichaient des pancartes où l'on démontre qu'ils ne sont pas contre la religion, sauf que l'évolution sociale implique la séparation entre la religion et l'Etat. « La religion est constante et les sociétés évoluent ». « On peut donc séparer le fait social de la religion ». Et les agents de sécurité ? Organisée sous une haute surveillance des agents de sécurité, qui immortalisaient l'événement par des appareils photos professionnels, la manifestation a enregistré aussi la présence de la presse internationale. Ils guettaient les commentaires de quelques islamistes (qui ne dépassaient pas les cinq). Cela a même risqué de provoquer une rixe entre ces personnes et quelques manifestants lesquels n'appréciaient pas les commentaires et les accusations lancés par les islamistes. Heureusement, la présence des représentants de la société civile, notamment le réseau « Doustourna » ainsi que d'autres participants a pu résoudre le problème qui risquait de dégénérer. « Il ne faut pas tomber dans leur piège. Il faut les négliger. Ils sont en train de nous provoquer. Avancez SVP », c'est par ces paroles que les organisateurs de la manifestation essayaient de résoudre le problème. Certains ont profité de la présence d'un caméraman étranger pour s'exprimer en anglais et dire que les manifestants « sont là pour défendre la liberté d'expression, pour dire non à toutes les formes de dictature (intellectuelle, politique…) et surtout qu'ils n'ont pas peur des islamistes ni en colère contre eux ». Ils scandaient « la peur tue la liberté ». Il faut par ailleurs, dire que les rivalités et les discussions entre les islamistes et les modernistes ne se sont pas limitées à ces manifestations. La communication continue toujours sur le réseau social facebook où les pro-islamistes affichent de nouveau les photos de la manifestation organisée vendredi dernier. Quant aux organisateurs de l'action Aatakni, ils exposent sur leurs murs les photos de l'événement dans les régions de Monastir et de Sousse. Les fans du lien internet anti-Nahdha « Pour que cette tomate ait plus de fans que Rached Ghannouchi », ne baissent pas le drapeau. Ils défendent la liberté d'expression sauf qu'ils choisissent assez mal leurs termes.