Ainsi, donc, tout tournerait maintenant autour de l'indomptable M. Marzouki, homme de gauche qui se radicalise de plus en plus et qui considère que Carthage lui revient de droit au vu de ce que lui aurait « légitimement », promis Ennahdha. C'est, sans doute, celui qui s'est le plus entêté à y aller, sauf qu'Ennahdha avait promis Carthage à tout le monde: d'abord, Caïd Essebsi, dont elle voulait faire le stabilisateur; ensuite Mustapha Ben Jaâfar, qu'elle voulait priver de portefeuilles importants; et, enfin, Marzouki qu'elle avalise maintenant pour l'éloigner autant de la Kasbah que de la Constituante, mais qui servirait, au besoin, de détonateur, de déclencheur de crise au cas où les Nahdhaouis se retrouvaient confrontés à une résistance farouche au sein de la Constituante. Au surplus, Ennahdha réalise-t-il que, si la compétition pour Carthage et la Constituante devait perdurer, l'inamovibilité - déjà avérée ! - de la Kasbah où trônera Jebali, se remettrait elle-même en cause. Jebali s'est auto-proclamé, à la Kasbah, avant de proclamer, par ricochet, et sans le dire, Cheikh Rached, sixième Calife des Musulmans. Rien de moins. Mais, ce qui est tout de même confondant dans tout cela, c'est que les Nahdhaouis veulent montrer – et avec les accents du défi serein – qu'ils ont le pays en main et que, non seulement, ils sont élus par la majorité mais qu'ils tirent, aussi, leur légitimité d'une sorte de transcendance divine, sinon, de racines séculières sous-jacentes à leur combat islamiste. De leur côté, les Tunisiens et les autres partis de la Constituante abdiquent déjà. Personne ne veut vivre la disgrâce d'un Néjib Chebbi ou d'un Ahmed Brahim anti-Nahdhaouis irréductibles, au point d'être perçus par certains comme des « mécréants ». Et alors, on se bouscule à qui mieux mieux au portillon de Cheikh Rached, qui saura, comme toujours, contenter tout le monde et ne satisfaire personne.