• Appel à l'interdiction aux magistrats ayant servi la dictature de se porter candidats et à la création d'une instance électorale indépendante L'Association des Magistrats Tunisiens (AMT) a posé, hier, le préalable du recours à un grand nettoyage du corps de la magistrature comme condition à l'élection d'un nouveau Conseil supérieur provisoire de la magistrature. «Nous prenons acte avec satisfaction de la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature hérité de l'ère Ben Ali, mais nous nous attachons à ce que l'élection d'une nouvelle instance qui remplacera ce conseil de sinistre mémoire soit précédée par un grand ménage dans une corporation gangrenée par la corruption», a affirmé Raoudha Karafi, vice présidente de l'association lors d'une conférence de presse tenue au palais de justice de Tunis. Et d'ajouter: «Outre les institutions, le processus de réforme de la justice doit toucher les personnes. L'exclusion des juges corrompus qui étaient aux ordres de l'ancien régime de l'opération électorale constitue, dans ce cadre, une condition sine qua non de l'élection d'un Conseil supérieur provisoire de la magistrature indépendant et capable de mener une réforme profonde de la justice». S'inscrivant en faux contre les allégations selon lesquelles l'association plaide pour la désignation et non pour l'élection des membres du futur Conseil supérieur de la magistrature pour s'arroger le contrôle de cette instance, Mme Karafi a noté que l'essentiel n'est pas d'organiser des élections dans n'importe quelles conditions mais de tenir un scrutin libre, crédible et transparent. «L'organisation des élections dans les conditions actuelles marquées par une main-mise totale d'une administration inféodée à l'ancien régime sur le secteur et par une forte présence des anciens collaborateurs de Ben Ali dans toutes les hautes fonctions judiciaires ne peut que conduire qu'à la mise en place d'un Conseil supérieur de la magistrature dominé par des personnes qui ont longtemps soutenu la dictature» , a-t-elle précisé. Commission électorale indépendante Afin d'éviter ce scénario, l'AMT propose la mise en place d'une instance judicaire provisoire chargée de diriger la magistrature pendant six mois. Composée de magistrats intègres choisis de manière consensuelle par les structures syndicales les plus représentatives de la corporation, cette instance aura pour mission de gérer des affaires judiciaires conformément aux standards internationaux et d'introduire des réformes de fond au niveau des responsabilités judiciaires. « Il est impératif de remplacer les actuels titulaires des fonctions judicaires supérieures, qui sont nommés par l'ancien régime en fonction de leur degré de loyauté et leur prédisposition à servir la dictature, par des magistrats réputés pour leur intégrité et leur probité», martèle Mme Karafi, indiquant que cette «opération mains propres» devrait à titre d'exemple conduire à la mise à l'écart les membres des précédents conseils supérieurs de la magistrature et les juges ayant rendu des verdicts «iniques» dans l'affaire du bassin minier ou dans des procès politiques. Une fois les ex-collaborateurs de Ben Ali écartés, il sera procédé à l'élection d'un Conseil supérieur provisoire de la magistrature indépendant qui veillera sur le lancement d'une réforme plus profonde du secteur. L'organisation des élections doit obligatoirement être confiée à une commission électorale indépendante composée de magistrats intègres et indépendants, à l'image de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) qui a piloté les élections de l'Assemblée Constituante. D'autre part, l'AMT a appelé à la dissolution des conseils supérieurs de la justice administrative et financière afin que la Cour des comptes et le tribunal administratif soient concernés par le processus de réformes.